Eric G. : « Je le sais pour l’avoir éprouvé, l’essentiel c’est vraiment le terrain. »

Utilisé (le mot n’est pas trop fort) pour leur potentiel rentable (en comblant et de quelle manière des lacunes dans la discipline) certains clubs de la métropole ont fait les yeux doux aux talents français du lancer de Javelot. J’ai passé dix ans (de merveilleuses années !) à apprendre (beaucoup) des lanceurs calédoniens. L’essentiel tout au moins : « les théories conceptualisées par les professeurs d’EPS n’ont pas forcement de ‘valeur’ devant la prédominance du terrain ».

Mon camarade, complice Roger Lakalaka aimait dire que lui n’était pas « bon au javelot » et que son frère Jean Paul : « lui était fort ». Presque pudique, timide, mais engagé comme un lion au combat, Roger m’a inculqué l’engagement. Celui qui n’a pas approché la valeur réelle (intime) des lanceurs calédoniens ne pourra pas comprendre. Aujourd’hui, la communication de ce pôle hallucinant riche de pépites SI incroyables est au point mort.

Nouvelle Calédonie, le Javelot : Roger Lakalaka au centre et Petelo Wakalina sur la droite de l'image

Tient, prenons un autre exemple. Petelo Wakalina – Nouvelle Calédonie.

Avril 1966, à cette époque Albert Rivet est l’entraîneur général des lancers. Et René Jean est sur le terrain à l’INS (institut national du sport) pour une séance où tout se passe bien, très bien même puisque son frère réalise 88m. Mais la séance n’est pas tout à fait « ordinaire ». Tout commence très normalement. Petelo Wakalina écoute, applique, comprend la technique cible et démontre qu’il s’approprie le geste correctement. Sans autre conversation inutile Petelo montre qu’il veut lancer avec ses sensations techniques et que les théories (forcément théoriques) sont « secondaires ». « Va pour les conseils -qui font évidemment évoluer-, mais, l’essentiel c’est la sensation au bon moment sur le terrain. »

Vite repéré à l’armée lors de lancers de grenades sidérant (à plus de 100m?!), Petelo, de l’avis des spécialistes était sans doute le meilleur potentiel français de tous les temps. Sur la piste de javelot d’entrainement au Bataillon de Joinville, l’engagement, de plus en plus physique, monte… La promesse de rendement de la technique travaillée pourra-t-elle être si efficace comme le prétend (si justement !) le coach, qui, précisons le, a un mérite formidable d’entrainer une telle personnalité. Petelo, sans aucune objection conceptuelle, souhaite simplement appliquer ce qu’il ressent. Et, pour concrétiser les perceptions ressenties autant marquer les choses. Petelo propulse son javelot… Où ? Mais à l’autre bout du terrain d’entrainement, par dessus la bute d’arrêt (3,5m de haut), par delà les limites du raisonnable puisque le javelot planeur fini sa course à un mètre de hauteur dans le wagon de « la cartoucherie » qui stationne hors de l’enceinte de l’institut national du sport !

L’essentiel est dit. La théorie des bons lancers est celle maintenant du terrain, qui démonstration faite, est d’ailleurs trop court… Coup de sensation et coup de maître ! Le coach et l’athlète partagent la réalité de terrain ! D’un regard animal, Petelo Wakalina pouvait vous figer physiquement et réellement. Pas forcément grand, musculeux et lourd, Petelo, d’une densité incommensurable, avait le charisme absolu du redoutable guerrier. Toute injure à sa majesté (et il n’y a aucun sens négatif dans mes propos, bien au contraire !) déclenchait la puissance du volcan. Réveillez l’animal est vous verrez qu’il lance bien au delà des 90m !

Observation faite, le wagon se trouvait exactement à 95 m de la piste de javelot. Et l’impact du planeur à un mètre de hauteur démontre que le jet non arrêté aurait été… comment dire… Et, d’ailleurs quoi dire? Peut-on raisonnablement imaginer un jet à 96-98m ? Effarant! Totalement incroyable. Le javelot n’a pas été emporté par une rafale qu’un quelconque ouragan providentiel… Non, c’est tout simplement de la vraie balistique. Bon sang ! Pour ce test de fin de période hivernale Wakalina a frappé fort, TRES FORT !

Ce jet remarquable (qui n’a rien de miracle) rappel le jet historique de Michel Macquet surnommé « Michel bras de fer » lorsque le 21 octobre 1961, (aux sources de l’olympisme, dans le stade d’Athènes où furent célébrés les premiers jeux olympiques modernes), Michel propulsa son javelot sur le mur d’enceinte situé à plus de 80m d’ailleurs entouré des sculptures de marbre célébrants les dieux de l’Olympe. Oui, la comparaison est évidente, à la différence près qu’il y a ici plus de 15 METRES d’écart !!! « Michel bras de fer » ? Comment faut-il surnommer Waka ? En avril 1966, le record mondial du lancer de javelot est détenu par Terje Pedersen 91.72 m, mais pour combien de temps encore?

 

Eric Geirnaert. – http://infographies.pagesperso-orange.fr/Javelot_France.html
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