Derek Redmond, blessé, termine son 400m aux JO de Barcelone pour un grand moment de sport !

Le Stade Olympique de Barcelone a vécu un très grand moment le 3 août 1992. Vous connaissez sans nul doute les noms de Carl Lewis ou de Marie-José Perec, tous deux champions olympiques lors des JO de Barcelone 1992, mais connaissez-vous Derek Redmond ? La meilleure manière d’inscrire son nom dans l’histoire olympique est de gagner des médailles, mais il y a parfois des moments qui méritent autant d’être mis en avant. Derek Redmond, athlète britannique, fait parti de ces sportifs au destin hors du commun.

Derek Redmond arrive aux Jeux Olympiques de Barcelone avec la ferme intension de décrocher une médaille olympique. Peu importe le métal, il compte revenir d’Espagne avec le fameux sésame.

La carrière de cet athlète est entachée par des blessures à répétition. Quatre ans plus tôt au Jeux Olympiques de Séoul 1988, il déclarait forfait seulement 10 minutes avant le départ à cause d’une blessure au talon d’Achille, alors qu’il venait de battre un an plus tôt le record britannique du 400 mètres en 44 »50. Peu après Séoul, il devait subir huit opérations aux deux talons d’Achille. En 1991, aux mondiaux de Tokyo, il ramena le titre à la Grande-Bretagne sur le relais 4×400 mètres. Ces Jeux Olympiques de Barcelone doivent être un des sommets de sa carrière.

Derek peut compter sur le soutien indéfectible de son père qui vient l’encourager à chaque compétition. Barcelone ne déroge donc pas à cette règle. Ils sont inséparables, si bien que lorsque Derek court, c’est comme si son père Jim courait à coté de lui.

Après avoir passé sans encombre les séries, l’athlète britannique se retrouve en demi-finale. Il faut terminer dans les quatre premiers pour rentrer en finale. Quoiqu’il arrive, Derek promet à son père de finir la course. Jim est installé parmi les 65 000 spectateurs du stade, dans les hauteurs des tribunes tout près de la flamme olympique, avec un tee-shirt sur lequel on peut lire : « Have You Hugged Your Foot Today? » (que l’on pourrait traduire par : « Avez-vous embrassé vos pied aujourd’hui »). La foule ne s’attendait pas à vivre un grand moment de sport…

Le départ est donné. Jim, conscient de la fragilité musculaire de son fils, se dit « Pourvu que ça tienne, pourvu que ça tienne ». 175 mètres après le départ, Derek est dans le coup pour la qualification. Mais soudainement, il ressent une très vive douleur à la cuisse droite. Trop vive, la douleur l’oblige à stopper son effort, avant de s’effondrer par terre dans son couloir.

Pendant que l’équipe médicale s’approche de Derek, Jim voit que son fils est au plus mal. Sans réfléchir, il descend de la tribune pour rejoindre son fils, en contournant les spectateurs mais surtout le personnel de sécurité. Il avouera plus tard : « personne ne pouvait m’arrêter ».

Sur la piste, Derek réalise que son rêve olympique s’envole à jamais, il ne peut retenir les larmes qui coulent sur son visage. L’équipe médicale arrive avec un brancard, mais le coureur refuse leur aide : « il n’y a pas moyen que j’aille sur ce brancard, je vais finir ma course ». Il n’oublie pas la promesse qu’il avait faite à son père… Dans un moment qui restera graver dans l’esprit de millions de personnes, Derek repart très lentement, avant de sautiller pour finir la course remportée par l’américain Steve Lewis en 44 »50. Continuant sur une jambe, il ignore les officiels qui tentent de l’arrêter. Tout cela au nom de l’orgueil et du cœur.

Lentement, la foule, dans l’incrédulité totale, se lève et commence à l’applaudir. Les clameurs deviennent de plus en plus fortes. Plus tard, il dira : « je le faisais pour moi. Peu importe que les gens pensent que je suis un idiot ou un héros, je voulais finir la course ». Chaque pas est une épreuve pour lui, chaque pas est un peu plus pénible et plus lent que le précédent, son visage tordu par la douleur et les larmes.

Jim essaye quant à lui, tant bien que mal, de rejoindre la piste. Il saute par dessus la balustrade puis évite un garde de sécurité : « c’est mon fils et je vais aller l’aider. » En fin de virage, à environ 100 mètres de l’arrivée, le père rejoint enfin son fils. Jim prend Derek par la taille pour finir la course ensemble. Derek met alors le bras sur les épaules de son père, tout en sanglotant. Tandis que la frénésie et l’incrédulité s’empare de tout le stade, Jim et Derek finissent la dernière ligne droite ensemble. Ce n’était certes pas la ligne droite la plus rapide de l’histoire mais ce fut sans nul doute la ligne droite la plus émouvante de l’histoire des Jeux Olympiques, lorsque l’émotion l’emporte sur la performance.

Jim, en larmes, confie à la presse « je suis le plus fier des pères, je suis même plus fier de lui que je l’aurais été s’il avait gagné la médaille d’or. Il lui a fallu beaucoup de courage pour faire ce qu’il a fait. » Pour la petite histoire, le Comité International Olympique a décidé curieusement de classer Derek Redmond « Did Not Finished » (abandon), mais aux yeux de tous il a bien fini la course, de la plus héroïque des manières…

Retrouvez la vidéo de la course ci-dessous.