Wilson Kipketer, le Roi du 800 mètres

Wilson Kipketer a écrit l’une des plus belles pages de l’Histoire du 800 mètres et a laissé son empreinte dans le monde de l’athlétisme grâce à ses qualités athlétiques et humaines hors du commun. Son chef d’œuvre restera l’année 1997, avec ses trois records du monde du 800 mètres, dont les fameux 1’41’’11 que l’on croyait indéboulonnables. Il aura fallu en réalité treize longues années pour connaître l’avènement d’un autre phénomène détecté lui aussi par Brother O’Connell, David Rudisha (1’41’’09 puis 1’41’’01 en août 2010, puis 1’40 »91). Quoiqu’il en soit, Wilson Kipketer restera pour beaucoup le plus bel athlète de l’histoire du double tour de piste.

Wilson Kipketer, Danois de coeur

Retour sur la carrière d’une véritable légende du 800m : Wilson Kipketer.

Wilson Kosgei Kipketer, de son nom complet, voit le jour le 12 décembre 1972 à Kapchemoyiwo dans un petit village de la vallée du Rift au Kenya. Cette année là, le kenyan Kipchoge Keino devient champion olympique du 3000m steeple et vice-champion olympique du 1500m à Munich.

En 1986, c’est ce même Kipchoge Keino qui repère le jeune Wilson et l’envoie à Iten, dans la vallée du Rift, au Saint Patrick High School, sorte de sport-études pour les coureurs kenyans. Il est alors entraîné, en compagnie des meilleurs coureurs de sa région, par le prêtre protestant irlandais Colm O’Connell. A 14 ans, il boucle déjà son meilleur double tour de piste en 1’51’’7, plutôt encourageant pour la suite… 

En 1988, Wilson Kipketer participe à ses premiers championnats du monde junior alors qu’il n’est encore que cadet première année. Crédité d’un 1’47’’0, réalisé à Nairobi, Wilson débarque à Sudbury au Canada avec des chances de médailles. Mais il n’atteindra finalement pas le stade de la finale à cause de son manque d’expérience.

Deux ans plus tard, on le retrouve de nouveau aux championnats du monde junior. Cette fois-ci il arrive à Plovdiv, en Bulgarie, parmi les grands favoris au titre puisque le jeune Kenyan avait réalisé 1’45’’7 trois semaines plus tôt. Wilson ne finira finalement que quatrième en 1’48’’13. En cette même année 1990, Wilson est convaincu par Ovar Björn Kraft de partir étudier une année à l’université de Copenhague, afin de suivre des cours de génie électronique, en compagnie d’un autre espoir kenyan Robert Kiplagat. Wilson est dès lors séduit par le Danemark et tombe sous le charme d’une danoise, Pernille.

Wilson Kipketer vient étudier en Europe en 1990, il deviendra champion d'Europe à Munich en 2002

Un coup de foudre pour le Danemark

Wilson n’est ensuite pas épargné par les blessures. En 1991, il se fait opérer du talon et ne pourra courir qu’en fin de saison. Il réalise tout de même 1’46’’19 à Malmö. Mais à la fin de l’année, Wilson préfère rester au Danemark, plutôt que de retourner dans son pays natal. En 1993, c’est cette fois-ci une opération au genou qui l’éloigne des pistes mais il améliore néanmoins son record personnel pour le porter à 1’45’’46. Wilson entamera l’année suivante une collaboration avec le Polonais Slawomir Novak, qui durera onze années.

L’année 1994 sera fructueuse pour Kipketer puisqu’il s’impose dans les plus grands meetings : Lausanne, Nice, Oslo, Monaco, Zurich, Berlin… et son meilleur chrono sera de 1’43’’29. Seul son compatriote Benson Koech fera mieux cette année là : 1’43’’17. L’aisance de course de Wilson et sa magnifique foulée laisse entrevoir le meilleur pour le coureur kenyan d’un 1,72m et 62kg. Certains observateurs voient même en lui le digne successeur de Sebastian Coe et de Joaquim Cruz, les deux derniers recordmans du monde du 800 mètres…

Wilson Kipketer, déjà champion du monde à Göteborg

L’année 1995 rime avec championnats du monde de Göteborg. Mais Wilson est confronté à un dilemme, doit-il courir pour son pays d’accueil, le Danemark, ou pour son pays d’origine, le Kenya ? Wilson souhaite porter les couleurs du Danemark, mais les règles du pays scandinave en matière de naturalisation sont strictes : il faut avoir vécu au moins sept années dans ce pays pour devenir danois.

Le président de l’IAAF, Primo Nebiolo, estime néanmoins que Kipketer peut courir avec le maillot danois, même s’il n’est pas encore naturalisé danois. Wilson arrive en très grande forme à Göteborg, après avoir réalisé 1’42’’87 à Monaco. Il passe les tours de qualifications sans encombre et à la surprise générale aucun Kenyan ne figure parmi les finalistes, alors que depuis 1987 aucune finale mondiale ou olympique n’avait résisté à ces coureurs des hauts-plateaux grâce aux victoires de Billy Konchellah (1987 et 91), Paul Ereng (1988), Paul Ruto (1993) et de William Tanui (1992). En finale, Wilson Kipketer laisse mener le norvégien Vebjorn Rodal avant de jaillir dans les 200 derniers mètres. Wilson signe là son premier titre mondial en 1’45’’08.

Mais en 1996, Kipketer ne bénéficiera pas du même passe droit qu’aux mondiaux puisque le Danemark ne lui a toujours pas accordé sa nouvelle nationalité. Afin de participer aux Jeux Olympiques, le président du Comité Olympique du Kenya, Charles Mukora, ne lui laisse pas le choix : « Kipketer n’étant pas encore danois, il ne peut représenter qu’un seul pays aux JO : le Kenya ». L’intéressé refusera cette proposition et ne pourra qu’assister au titre olympique du norvégien Vebjorn Rodal, acquis dans le temps canon de 1’42’’58.

L’issue de la course d’Atlanta aurait pu être différente si Wilson Kipkter avait pu courir puisqu’il avait réalisé au cours de la saison pas moins de sept chronos sous les 1’43 dont un étincelant 1’41’’83 à Riéti. Il n’est alors plus qu’à un dixième du record du monde de Sebastian Coe (1’41’’73) !

Une année 1997 riche en records du monde

Deux records du monde du 800m en salle aux mondiaux de Paris-Bercy

Wilson Kipketer va commencer la saison 1997 de la plus belle des manières en devenant champion du monde en salle, à Paris-Bercy. En plus du titre, il impressionne le monde de l’athlétisme en s’emparant du record du monde dès les séries (1’43’’96) avant de rééditer le même exploit en finale (1’42’’67). Tout cela en menant la course de bout en bout, excusez du peu. La saison estivale de Wilson s’annonce alors sous les meilleurs hospices…

Non seulement il conservera son titre de champion du monde à Athènes mais il fera surtout voler en éclat le record du monde du 800 mètres !

Le 7 juillet à Stockholm, Kipketer égale Sebastian Coe en 1’41’’73 (passage au 400m en 49’’3). Un mois plus tard, le 13 août à Zurich, Wilson part sur des bases folles, voire insensées ! Personne n’aurait imaginé prendre le risque de passer à la cloche en 48’’2 ! Mais Kipketer tient bon et limite la casse dans le dernier tour pour finir celui-ci en 53’’09. Le chrono final est de 1’41’’24, nouvelle marque mondiale du 800m.

11 jours plus tard, à Cologne, le chiffre 1 va décidément être à l’honneur. Wilson Kipketer abaisse un peu plus son record du monde, histoire de ne pas se le faire piquer de si tôt. 1’41’’11 sera la référence absolue du champion danois. Cette fois-ci parti Wilson Kipketer était parti un peu plus prudemment, en 49’’3 au 400m. Wilson Kipketer a alors presque tout gagné et règne en maitre incontesté du double tour de piste. Il ne manque plus que le sacre olympique à son impressionnante collection de titres et de records.

Des saisons aux fortunes diverses

En 1998, Wilson est atteint d’une violente crise de malaria qui l’éloignera des pistes une bonne partie de la saison. Il fera néanmoins 1’43’’18 à Zurich et obtiendra la nationalité danoise cette même année. En 1999, Wilson retrouve son meilleur niveau en gagnant la Golden League (les six meilleurs meetings du monde) mais surtout en remportant son troisième titre mondial consécutif à Séville (1’43’’30) au terme d’une dernière ligne droite de folie (le second Hezekiel Sepeng finit en 1’43 »32).

Son meilleur chrono cette saison-là sera de 1’42’’27, avec le regard porté sur les Jeux Olympiques de l’an 2000. Il accroche même un nouveau record du monde à son escarcelle en février 2000, celui du 1000m en salle (2’14’’96 à Birmingham). Mais aux Jeux de Sydney, Wilson n’adopte pas sa tactique habituelle et ne se place pas aux avant-postes de la course. Le Danois se fait piéger dans une course tactique et deviendra « seulement » vice-champion olympique, derrière l’allemand Niels Schumann (1’45’’14 contre 1’45’’08).

Wilson Kipketer manque d'un rienle titre olympique à Sydney 2000

En 2001, il ne pourra défendre ses titres de champion du monde. Blessé au pied, ce sera une saison blanche pour lui. L’année suivante, Wilson devient champion d’Europe du 800m et réalise même 1’42’’32 sur la piste de Riéti. En 2003, il échoue au pied du podium des mondiaux de Paris mais il voit surtout en la saison suivante l’ultime chance d’accrocher son rêve olympique pour sa dixième saison au plus haut niveau mondial sur le double tour de piste !

A Athènes, Wilson Kipketer ne réussira pas à grimper sur le haut de l’Olympe mais remporte tout de même une très belle médaille de bronze, derrière les deux espoirs montant du 800m que sont Yuriy Borzakovskiy (champion olympique en 1’44’’45) et Mbulaeni Mulaudzi, respectivement 23 et 24 ans. Ce sera la dernière saison du roi Wilson. « L’ambition de gagner l’or olympique a été ma source d’inspiration, mais il est clair que mon objectif ne sera pas atteint, que mon temps ne va pas venir, je dois l’accepter », annoncera le champion danois.

En 2004 à Athènes, le titre olympique échappe de nouveau au Danois

 

Wilson Kipketer, le Roi du 800 mètres 

Wilson Kipketer a marqué l’histoire de l’athlétisme est laisse un héritage riche au monde de l’athlétisme grâce à son humilité et sa rage de vaincre qui resteront pour beaucoup un modèle. Sa longévité au plus haut-niveau lui a permis d’engranger un palmarès fabuleux bien que le titre olympique lui ait toujours échappé. Mais qu’importe, sa foulée majestueuse et la légèreté de ses appuis ont conquis le public du monde entier.

Rendez-vous compte, Wilson Kipketer additionne à la fin de sa carrière pas moins de sept chronos dans les dix meilleurs de l’histoire. Le Roi Wilson a également enchaîné dix saisons sous les 1’44, de 1994 à 2004, si l’on excepte sa saison blanche de 2001. Exceptionnel !

 

S’il ne fallait retenir que cinq choses sur Wilson Kipketer, ce serait :
– D’origine kényane, il tombe amoureux du Danemark mais doit attendre 1998 pour être naturalisé. Wilson Kipketer ne sera pas présent aux Jeux Olympiques d’Atlanta mais l’IAAF l’autorise néanmoins à courir aux championnats du monde sous les couleurs du Danemark dès 1995.  
– Trois fois champion du monde consécutivement (1995, 1997, 1999), Wilson Kipketer ne sera jamais champion olympique (2ème en 2000, 3ème en 2004).
– Son record du monde en 1’41’’11 tiendra treize longues années ans avant l’avènement de David Rudisha, lui aussi passé par la Saint Patrick High School.
– Aux mondiaux en salle de Paris en 1997, Wilson Kipketer bat le record du monde indoor du 800m en série (1’43’’96) puis en finale (1’42’’67).
– De 1994 à 2004, Wilson Kipketer a terminé dix saisons sous les 1’44 sur le double tour de piste.

 

Revivez les trois courses phares de la carrière de Wilson Kipketer courues en 1997. Son titre et son record du monde en salle aux mondiaux de Paris (1’42 »67)


Record du monde à Zurich en 1997 avec un passage en 48 »2 à la cloche (1’41 »24)

Record du monde à Cologne en 1997 en 1’41 »11