La Geek Athle Attitude

Une de nos ferventes lectrices s’est amusée à écrire un article, un peu décalé je vous l’accorde, sur un phénomène qui prend de plus en plus d’ampleur dans le monde de l’athlétisme : la « Geek Athle Attitude ». Un article tout en légèreté en cette période estivale.

Bonjour à tous. Ceci n’est pas un article classique. Je tiens à vous prévenir tout de suite. Tout d’abord parce que c’est une fille qui l’a écrit (j’imagine déjà vos réactions ‘bouh une fille’). Ensuite, parce qu’il ne s’agit pas de résultats, ni d’une interview ou d’un quelconque résumé de compétition. Non, je suis simplement une athlète qui partage ses observations complètement loufoques. Je vous souhaite une bonne lecture et attend vos réactions.

C’est parti !

J’ai plongé pieds et poings liés (‘pas très pratique pour courir’ me direz-vous) dans la passion du demi-fond il y a deux ans.

Avant, je ne savais pas que les frères Pépiot existaient. J’ignorais que Font Romeu était ‘the place to be’. Je ne connaissais pas les noms des champions de France cadets, juniors, espoirs, N2 et élites sur 800m, 1500m et 3000m steeple. Je ne comprenais même pas ce qu’étaient les Elites. Je m’en fichais royalement. Et pour tout vous dire, ma vie était beaucoup plus simple. J’étais insouciante !

Maintenant, je crise quand je rencontre quelqu’un qui ne sait pas qui est Pierre-Ambroise Bosse. Je fais une syncope si je ne suis pas au courant des dernières performances de Simon Denissel, Bryan Cantero, Florian Carvalho et les autres.

Je ne considère même pas comme humaines les personnes qui ne savent pas ce qu’est un 800m ou un 1500m (c’est pourtant pas compliqué à comprendre 3 tours ¾). Je dénigre complètement celles qui découvrent que vous courez des cross – qui vous sortent cette réplique minable qui me fait grincer des dents rien que d’y repenser : « Le cross ? Comme celui qu’on était obligé de faire à l’école ? Comment tu peux aimer ça ? En plus, l’hiver avec la pluie, la boue et tout ?! ».

(Ah pourquoi j’ai plongé ?)

Enfin, la bonne nouvelle, c’est que j’ai tout de même gardé un brin de lucidité pour analyser certains comportements sur les stades qui m’émerveillent. Cela me permet ensuite d’élaborer des théories fumeuses (j’adore élaborer des théories fumeuses, j’en ai une petite dizaine à mon actif) sur ces tendances étranges qui se répandent dans le milieu.

Celles que je vais développer ci-après concernent les fondus d’athlétisme, plus particulièrement de demi-fond. Elles me captivent. Je vous propose donc un classement des particularités des athlètes mordus de statistiques, que je surnomme les geeks de l’athlé. Toute ressemblance avec des athlètes que vous connaissez n’est absolument pas fortuite.

Le classement

Niveau 1 – le geek de base
A l’onglet Performance dans ses favoris Internet.
A l’application de la FFA et L’équipe sur son portable.
Est abonné à Athlétisme Magazine, L’équipe, Sport et Vie, etc.
Regarde toutes les grandes compétitions retransmises sur FranceTV.
Connaît les grands noms de l’athlétisme qui font l’actualité en ce moment.
Consacre son lundi entier à farfouiller dans les résultats du week-end.
Dénigre le nouvel équipementier de l’Equipe de France d’athlétisme (est-ce quelqu’un apprécie les nouvelles tenues, sérieusement ?).

Niveau 2 – le geek niveau intermédiaire
A Canal + pour regarder les Elites.
Est abonné à tous les flux RSS des sites d’actualité parlant d’athlétisme.
A fait plusieurs pèlerinages au temple du demi-fond qu’est Saint-Maur.
A une bibliothèque remplie d’ouvrages sur l’athlétisme.
Consacre son début de semaine aux résultats du week-end.
A déjà vu tous les reportages vidéo existants sur les athlètes de la Terre entière.
Ne se sépare jamais de son portable (on ne sait jamais !) sauf pour s’entraîner.
Suit les meilleures performances mondiales de l’année.
Regarde en streaming sur des sites obscurs les compétitions internationales.
Passe le temps qu’il lui reste de son dimanche de compétition à regarder des vidéos de courses sur YouTube en attendant patiemment la mise en ligne des résultats.

Niveau 3 – le bon gros geek
Sait toujours tout sur tout à tel point que ça devient flippant.
Enregistre les données tel un ordinateur surpuissant.
Peut réciter les bilans français de toutes les disciplines et de toutes les catégories de tête.
Consacre sa semaine entière à décrypter les résultats du week-end.
Connaît toutes les anecdotes des courses mythiques.
Connaît les légendes de l’athlétisme, vivantes comme disparues.
Connaît les records de France et les podiums nationaux des vingt dernières années.
Connaît tous les records du monde (date + auteur + lieu) et sait ceux qui datent de la RDA et de l’URSS.
Connaît le détail des sélections de chaque athlète de l’Equipe de France.
Connaît jusqu’aux temps de passages des courses importantes.
Connaît votre fiche FFA mieux que vous.
A un compte All Athletics.
A fait un stage à Iten.
N’a pas besoin de la table hongroise pour convertir une performance.
A des plans d’entraînement susceptibles d’effrayer les généraux de l’armée américaine.
Est capable de corriger Patrick Montel et Stéphane Diagana (‘facile’ diront certains).
Crise le dimanche soir devant son ordinateur car les résultats du week-end ne sont pas encore accessibles.
A donc trouvé une alternative pour se renseigner : va sur les pages FB des athlètes pour voir ce qu’ils ont fait, envoie des sms au réseau d’athlètes qui remplit son répertoire, traîne sur des sites d’athlé.

Le nec le plus ultra : l’entraîneur.

C’est simple, les entraîneurs sont des encyclopédies vivantes. Ils sont hors-catégorie. Ils ont déjà tout vu, tout vécu. Un conseil : si votre entraîneur ne connaît pas les meilleures performances françaises de votre discipline sur les dix dernières années, changez illico !

Pourquoi ?

J’aimerais vous inciter à réfléchir à ce phénomène qui est selon moi un véritable problème de société (non, non je n’exagère pas). En effet, combien de temps passez-vous sur athle.fr, iaaf.org, trackandfieldnews.com, culture-athle.com (bien sûr !) et j’en passe ? Vous êtes-vous déjà posé la question ? Combien de fois le dimanche soir avez-vous pesté contre la FFA ? Vous réactualisez la page Internet tout le lundi pour avoir accès aux résultats – et les études alors ?

Avez-vous réfléchi à pourquoi fondamentalement vous faites ça ? La passion, certes. Mais encore ?

Pour ma part, je préconise une approche plus instinctive de la course (je vous sens déjà protester – laissez moi le temps de développer). Les bilans ne peuvent pas tout vous apprendre. L’expérience empirique et l’observation sont les clés pour cerner vos adversaires. Je trouve la fiche FFA déshumanisante pour l’athlète. Un chrono sur une fiche ne détaille pas votre état de forme, les conditions climatiques dans lesquelles vous avez évolué, les éventuels rebondissements ou choix tactiques pendant la course.

De plus, avoir la tête trop plongée dans les fiches peut vous faire perdre vos objectifs. Vous vous enfoncez dans des élaborations tactiques sans queue ni tête. Concentrez-vous plutôt sur vous !

Bon, je concède que j’ai la chance de m’entraîner et de traîner avec un groupe d’athlètes qui sont de niveau de geekicité 2 et 3. Dès que j’ai des questions, j’ai cinq ou six encyclopédies sous la main prêtes à me livrer leur savoir sagement acquis. Le lundi, j’ai un résumé complet de tout ce qu’il s’est passé le week-end aux  quatre coins de la France, et même du monde. C’est clair que je suis une privilégiée.

Revenons à nos chers petits geeks

Tout bon geek qui se respecte doit, en plus d’être un bon statisticien, être au courant de toutes les rumeurs qui circulent. C’est là que nous allons bien nous entendre. Les scandales étouffés. Les écarts en stage. Les disputes. Cela me captive ! Parfois, votre réputation ne se joue pas en compétition mais en soirée. Votre comportement parle plus que vos performances. C’est totalement injuste, mais tout à fait digne d’une pièce de théâtre !

J’adore être entourée d’athlètes, me taire et les laisser parler. On apprend beaucoup de choses de cette manière, et je suis quelqu’un de nature très curieuse. N’êtes-vous pas curieux vous-même ? N’avez-vous pas envie de savoir ce qu’il s’est réellement passé à Tampere sur le 3000m steeple ? J’en meurs d’envie personnellement – les réclamations ont un côté puéril qui me subjugue.

Un petit clin d’œil au passage pour tous les steepleurs qui sont déjà tombés dans une course, méditez cette phrase du vieux sage qui dit : « Si tu es tombé, c’est parce que tu étais lactique ! ».

Au plaisir !

Dans le prochain article (si prochain article il y a, croisons les doigts) je vous propose d’explorer cet autre phénomène curieux qui me fascine : les athlètes qui vérifient leur temps de passage tous les 100m en compétition et qui prennent le chrono de leur course. Personne ne leur a jamais dit qu’il y a un chronomètre électrique pour cela ?

Je sais que vous êtes toutes et tous très tristes car c’est les vacances. Et pour tous les athlètes, ‘vacances’ rime avec ‘fin de la saison de piste et repos’. Mais connaissant bien votre impulsivité, vous ferez des vacances sportives avec de la randonnée ou du trail. N’en profitez pas pour faire des folies !

Les bilans ne sont pas mis à jour car il n’y a plus de compétition. Heureusement, il y a encore quelques compétitions internationales pour vous maintenir en vie !

On se retrouve à la rentrée sur les stades. Et je n’ai qu’une hâte, vous entendre dire : ‘Vivement que l’on soit lundi !’.

Je ne signe pas cet article, car vous iriez immédiatement voir ma fiche FFA, et je ne veux pas que vous me jugiez par rapport à mes performances.
Bisous partout.
Respectez les mascottes, je vous en prie.

Une pensée pour Alain Mimoun.