Un frenchie à Birmingham, Guillaume Adam partage son expérience britannique

La destination privilégiée des athlètes s’expatriant à l’étranger pour concilier sport et études après le Baccalauréat est sans nul doute les Etats-Unis. Néanmoins, il existe une destination plus proche de la France qui offre elle aussi des conditions d’entraînements privilégiées pour les étudiants. Pas d’océan Atlantique à traverser mais seulement… la Manche ! Guillaume Adam, sélectionné en équipe de France pour les Jeux de la Francophonie sur 1500m en septembre 2013 et auteur d’un 3’38 »41 en ce début de saison, a vécu une année à Birmingham (Royaume-Uni) et nous fait part de son expérience d’étudiant en Angleterre.

En tant qu’étudiant à l’INSA de Lyon, j’ai eu l’opportunité de partir un an à l’étranger dans le cadre d’un échange académique Erasmus (de septembre 2013 à juin 2014). J’ai choisi de partir à l’Université de Birmingham sur les conseils de mon frère, Romain, ayant lui-même été étudiant Erasmus à Birmingham en 2011. Je vais vous faire part de mon expérience britannique, puis je donnerai quelques conseils aux athlètes souhaitant tenter leur chance Outre-Manche.

L’université de Birmingham est l’une des universités les plus sportives du Royaume-Uni, étant classée chaque année dans le top 3 du classement des championnats des universités britanniques (British University & College Sport). 52 clubs sportifs sont représentés dans cette université dont les sports très « british » que sont le cricket ou le Snooker (billard). Le demi-fond est une des disciplines phares à Birmingham grâce à de très bonnes conditions d’entraînement et à un groupe d’une cinquantaine de demi-fondeurs. En effet, le campus d’Egbaston, à 5 kilomètres du centre-ville, a toutes les infrastructures pour plaire aux demi-fondeurs, ou plutôt avait puisque la piste d’athlétisme du campus a été démolit au mois de mars. Le campus est en pleine restructuration puisque plus de 200 millions d’euros sont investis sur 5 ans pour construire notamment une bibliothèque et un centre sportif flambant neuf incluant une piscine de 50 mètres. Depuis, des navettes sont mises en place par l’université 5 fois par semaine pour aller à l’Alexandre Stadium, le stade accueillant la Diamond League ou à la piste de Hadley, à 4 kilomètres du campus.

Le club d’athlétisme de l’Université de Birmingham aux championnats universitaires en plein air.

Malgré ce désagrément, Birmingham n’en reste pas moins attractif. On trouve près du campus 3 parcs en herbe pour effectuer des fartlecks pointes au pied l’hiver, avec un tour de 1 à 1,5km et des profils roulants ou plus vallonnés. L’actuel centre sportif possède une salle de musculation bien équipée, une piscine de 25m, et propose des séances de yoga pour la souplesse. On trouve également un chemin le long du canal qui relie le centre de Birmingham au campus, long de 10km permettant de faire des footings sur terrain souple. Birmingham étant une ville relativement vallonné, il est possible de trouver des côtes sur route avec tout type de pourcentage. Une piste couverte est montée chaque hiver pour 4 semaines dans la salle de spectacle du NIA, pour accueillir le meeting international de Birmingham. Enfin pour les spécialistes du Beer Mile, cette fameuse course de 4 tours où il faut descendre une bière le plus rapidement possible à chaque tour, vous trouverez une demi-douzaine de pubs dans Selly Oak. Ici, pas questions de bouteilles de 35cl, mais de pintes (56cl), les anglais appellent d’ailleurs cette course le Chunder Mile… Mais avant de pouvoir célébrer ses premières victoires dans la plus pure tradition britannique, il faudra d’abord être assidu à l’entraînement !

La première fois que je me suis entraîné avec le groupe d’entraînement de l’université pour un fartleck, j’ai été impressionné par le nombre de coureurs présents et surtout du nombre de coureuses : une vingtaine de gars pour une trentaine de filles ! J’ai pu m’entraîner avec Luke Gunn, champion du Royaume-Uni sur 3000m steeple de 2009 à 2012, Johnny Hay et Jonathan Davies, médaillés de bronze au 5000m des Europe Junior respectivement en 2011 et 2013 et avec deux autres coureurs en 3’47 et 3’48 au 1500m. Sur 800 mètres, il y avait deux athlètes en 1’48 et 1’49 et quelques un en 1’52. Hannah England, médaillée d’argent sur 1500m aux mondiaux de 2011, est entraînée par le coach de demi-fond de l’université, Bud Baldaro, et s’entraîne à Birmingham.

Les séances en elle-même sont assez similaires à celles que l’on trouve en France. Néanmoins, pour l’échauffement, les anglais, où en tout cas à Birmingham, ne courent pas plus de 10 minutes. Les gammes ou éducatifs d’avant séance – comme les montées de genoux, etc – sont assez différents. J’ai aussi pu remarquer qu’il n’y a pas de séances de VMA – du type 12x400m avec une récupération de 1 minute – à proprement parler, comme on peut le voir chaque semaine dans les clubs français. Des répétitions courtes de 30 secondes et 1 minute sont plutôt incorporées au sein de fartleck de 7 à 10 kilomètres de volume.

L’un des avantages d’étudier au Royaume-Uni est d’avoir des horaires plus adaptés au sport de haut-niveau que ceux que l’on a en France. La plupart des étudiants ont entre dix et quinze heures de cours par semaine, sans compter les projets et autres travaux mais ceux-ci peuvent être travaillés n’importe quand dans la journée. Les cours commencent au plus tôt à 9 heures et finissent au plus tard à 17 heures, ce qui permet de s’entraîner deux fois dans la journée sans aucun problème.

Je vais maintenant vous parler des différents championnats et compétitions au Royaume-Uni. Sans être du niveau des championnats universitaires américains NCAA, les championnats universitaires britanniques sont nettement plus relevés que les championnats universitaires en France, aussi bien pour le cross-country que pour la piste. Cette année, Adam Gemili, champion du monde junior en 2012 sur 100 mètres en 10’’05, a notamment remporté le titre national. Sur 800 ou 1500 mètres chez les hommes, le vainqueur a souvent un record personnel en moins de 1’48 ou moins de 3’40. Cette année, nous étions par exemple cinq en finale avec un record en moins de 3’45. Dans chaque épreuve, chaque université peut envoyer entre 2 et 4 athlètes, suivant le niveau des athlètes, et sur 800 et 1500 mètres, 3 tours sont organisés : séries le samedi, demi-finales le dimanche et finale le lundi.

Guillaume a remporté le titre universitaire 2014 en 3’51’’76 avec un dernier tour en 54’’5.

Tout l’hiver, de novembre à février, des cross-country de qualité sont organisés tous les week-ends et dans tout le pays. Il y a notamment des compétitions interclubs : les Leagues, qui désignent le club vainqueur à l’issue de la saison. On retrouve le même principe l’été pour la piste avec 4 matchs de League, l’équivalent de nos interclubs, un chaque mois d’avril à juillet avec à chaque fois le programme d’épreuves complet. Il existe différentes divisions, régionales ou nationales (British Athletics League) et le classement se fait à la place avec 2 athlètes par épreuve. Autre compétition par équipe, les championnats de relais sur route comptent des équipes de 12 coureurs chez les hommes (6 relais courts d’environ 5km et 6 relais longs d’environ 8km) et l’on retrouvait 62 équipes au départ des championnats nationaux. Quand on voit qu’en France, chaque club a du mal à envoyer une équipe de 6 coureurs aux championnats de France d’Ekiden…

J’ai eu l’opportunité de courir les championnats britanniques en salle cet hiver sur 3000m. Les conditions de participation à ces championnats nationaux sont nettement moins élitistes qu’en France. Les minima de qualification sont relativement accessibles et peuvent être réalisés l’année précédente. Sur 1500m par exemple, les minima étaient de 3’55’’00 (pour une performance réalisée en 2013 ou 2014) et les athlètes ayant couru moins de 3’50’’00 l’été d’avant pouvaient aussi courir. Ils étaient ainsi 19 au départ des séries le samedi et 10 en finale le dimanche. A titre de comparaison, nous étions 12 en finale des championnats de France Elite en salle cette année à Bordeaux, avec le dernier engagé en 3’52’’16.

Idem pour lors des championnats britanniques en plein air, où en 2013, ils étaient 44 au départ des séries du 1500 mètres (minima fixés à 3’47’’00, pouvant là aussi être réalisés l’année d’avant), alors que nous n’étions que 12 en France (dernier engagé en 3’43’’93).

Enfin, le British Milers Club organise toute l’année une cinquantaine de meetings de demi-fond, où en moyenne dans chaque course 45% des athlètes battent leur record personnel ! Cela est rendu possible par une organisation de qualité et des lièvres mis en place dans la plupart des courses. Les courses sont mixtes à tous les niveaux et il arrive même que des lièvres masculins emmènent les courses exclusivement féminines. Toutefois, si une fille réalise des minima pour des championnats internationaux, ceux-ci ne sont pas comptabilisés. Les vainqueurs les plus rapides d’une course organisée par le BMC en 2013 l’ont emporté en 1’47 sur 800m et en 3’41 sur 1500m, ce qui en fait des courses de niveau national mais chez les femmes, les gagnantes les plus rapides l’ont emporté en 2’00 et en 4’03, soit des performances de niveau international. Ces courses du BMC sont donc idéales pour des athlètes avec des records au-dessus de 1’48 sur 800m et de 3’42 sur 1500m.

Les athlètes en dessous de 1’47 et 3’40 ont souvent l’opportunité de courir dans l’un des meetings internationaux organisés au Royaume-Uni, que ce soit dans le meeting international en salle de Birmingham ou dans l’une des deux étapes britanniques de la Diamond League, cette année à Birmingham et Glasgow. Ils doivent sinon se rendre sur le continent pour trouver des courses rapides.

 Guillaume avec deux de ses colocataires : Jamie Taylor-Caldwell (numéro 206) qui a vécu 6 mois à Clermont-Ferrand en Erasmus et Christopher Hepworth (dossard 208)

Après près d’une année vécue en Angleterre, je vais pouvoir donner quelques conseils aux futurs athlètes tentés par l’aventure britannique. Tout d’abord, je vous conseillerais de prendre contact avec un club local, club universitaire ou autre quelques semaines avant votre arrivée (via Facebook ou par mail), pour trouver une colocation avec des athlètes anglo-saxons. C’est ainsi le meilleur moyen pour progresser rapidement en anglais et pour partager des entraînements en commun. Je logeais dans une colocation avec 7 autres athlètes, dont la Néo-Zélandaise Angie Smit qui a un record en 2’00’’03 sur 800m. J’allais courir très régulièrement avec deux de mes colocs (sur la photo ci-dessus), l’un avec un record à 3’49 sur 1500m et le second avec un record à 1’55 sur 800m. Rien de tel pour se motiver pour un footing matinal à 7h30 !

Si vous vous posez la question de prendre une licence dans un club, je vous conseillais d’en prendre une pour participer aux championnats nationaux et l’on peut avoir en Angleterre jusqu’à 4 clubs dont un club universitaire. Je me suis licencié dans le club de deux de mes colocs, mais sachez que la majorité des clubs ne remboursent aucun frais de déplacement et d’hôtel. Le prix de la licence est très abordable : £10 soit 12 euros. L’inscription dans la grande majorité des courses, aussi bien en cross que sur la piste est payante : autour de £5 soit 6 euros. Cela permet notamment de financer la mise en place de lièvres.

Si vous n’êtes pas en échange académique, la majorité des frais d’inscription à l’université sont très élevée : £9000. Il existe des bourses pour les sportifs de haut-niveau dans certaines universités mais en général ne dépassent pas les £2000. Si vous partez dans le cadre d’un échange Erasmus, vous aurez uniquement à vous acquitter des frais d’inscriptions de votre université en France. Bien entendu, il est aussi possible de partir au Royaume-Uni sans être étudiant, et il est parfois possible comme à Birmingham de s’entraîner avec le club de l’université. Si vous voulez choisir une université pour l’athlétisme, la meilleure au classement des championnats universitaires britanniques en athlétisme est Loughborough, puis suivent Cardiff Metropolitan, Birmingham, et les deux universités londoniennes Saint Mary’s et Brunel. Saint Mary’s a notamment accueilli dernièrement de très bons coureurs de 5000m dont Mo Farah. Cardiff est la seule de ces 5 universités à disposer d’une salle couverte et Loughborough a eu dans ses rangs plus de 60 athlètes ayant participé aux Jeux Olympiques, dont Seb Coe et Paula Radcliffe. Vous pourrez retrouver le classement par université ici.

Enfin pour finir, je vous invite à jeter un oeil sur les bilans anglais, où l’affichage des performances sous forme de tableau dans les fiches individuelles est très agréable. Par ailleurs, vous pourrez voir l’incroyable densité des performances dans le demi-fond britannique féminin en 2013 : 20 filles sous les 2’05 au 800m, 30 filles sous les 4’20 au 1500m et 14 filles sous les 16’00 au 5000m… (à titre de comparaison il y avait respectivement 4, 6 et 5 françaises sous ces limites en 2013)

Thanks for reading and I hope you will be tempted to live an amazing british experience too! You can read an article about my running on the Trackfield97 website. See you!