Daniel Arcuset, candidat à la présidence de la FFA. « Il faut une large base et une grande élite »

Le 17 novembre prochain, la Fédération Française d’Athlétisme élit son nouveau président. Rencontre avec Daniel Arcuset, candidat au comité directeur et à la présidence de la FFA.

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Bonjour et merci de répondre à cette invitation d’ ITW . Vous êtes candidat à la présidence de la FFA , peu connu du grand public mais bien ancré dans la vie de la FFA depuis vos débuts dans l’athlétisme, pouvez-vous nous préciser votre parcours en quelques mots ?  

En quelques mots ? Difficile, mais pour l’essentiel et répondre au mieux à cette question, je suis licencié FFA depuis 1964. Pratiquant jusqu’en 1980. Dirigeant, entraineur, officiel dans plusieurs clubs dont celui de l’ENGA Blaye en Gironde de 1973 à 1984 , un des tout premiers clubs à sections locales . Je suis actuellement au C.A. Portets également en Gironde.
Par ailleurs j’ai occupé le poste de président de C.S.O. pour la ligue Aquitaine et Comité de Gironde (1980 /1984), ainsi que pour la Ligue Pays de la Loire (1984 /1988)
Président également de la Ligue des Pays de la Loire de 1988 à 1991, puis de la Ligue d’ Aquitaine de 1992 à 2004
J’ai également été secrétaire Général Adjoint du C.R.O.S. des Pays de la Loire 1988 à 1991, puis élu au bureau C.R.O.S. d’Aquitaine de 1993 à 1997 avant d’en être vice président de 1997 à 2009 et en charge du haut niveau.
Enfin pour mon implication au sein de la FFA j’ai siégé au Comité Directeur de la FFA de 1987 au 23/01/2009, vice président de la CSO FFA ( groupe sportif 1983/1989) puis Vice Président FFA de 1993 au 23/01/ 2009 avec les prérogatives suivantes :
Membre commission mixte L.N.A/F.F.A. de 2006 à 2009; Président de la Commission Nationale des Clubs 2002 au 23.01.2009;Chargé de la labellisation (1998/2009) et de la certification des clubs; Groupe de travail Classement des clubs et athlètes (2006/23.01.2009)
Voilà en quelques mots mon parcours.

Un parcours de dirigeant plus que consistant effectivement.
Vous avez fait porter à la connaissance de beaucoup votre manifeste «Mobilisons nous» pour une nouvelle gouvernance.
Qu’en est il plus précisément de cette «nouvelle gouvernance» appelée de vos vœux?

Il s’agit d’abord d’un constat.
Nombre de décisions fédérales suscitent aujourd’hui des réserves, voire des rejets à différents niveaux quant aux processus qui ont conduit à celles-ci. De nombreux incidents ont émaillé en particulier les AG FFA au cours de ce mandat dont récemment en avril 2012. Beaucoup d’énergie et de bonnes volontés peuvent se perdre en ces circonstances sans compter les réelles frustrations que cela occasionne.
Besoin d’une nouvelle Gouvernance?
Oui et à cela plusieurs autres raisons.
Relativement récente, voulue et accompagnée par la FFA à la fin des années 1990, on retrouve bien sûr la diversification des pratiques de notre Athlétisme avec des préoccupations et des logiques propres (compétition, découverte… Santé/loisir, et récemment la Marche Nordique, Athlé Entreprise).
Les publics de ces pratiques diffèrent en effet fortement et attendent des moyens et des compétences spécifiques.
On rencontre également une complexité induite, accrue et forte au sein de notre organisation associative, essentiellement bénévole à tous les niveaux (Clubs, Comités, Ligues) et par ailleurs l’impact du Projet Fédéral et des décisions qui en découlent est également plus important qu’auparavant.

Doit on comprendre que cette gouvernance devrait donc davantage tenir compte de l’hétérogénéité des pratiques sportives possibles à la FFA ?

Ce sont là effectivement autant de nouveautés pour le mode habituel de Gouvernance où l’organisation de la FFA consistait à décider d’une politique sportive générale «suffisante pour tous» allant de l’entrainement et de la compétition chez les plus jeunes, avec une évolution implicite vers la performance, jusqu’à l’accès en compétitions internationales des tout meilleurs.
Il « suffisait » alors de mettre en oeuvre cette logique à tous les étages, ceux-ci se retrouvant tous alors dans cette volonté commune.
Inutile de s’étonner a contrario qu’un mode de gouvernance essentiellement descendant parce qu’insuffisamment consultatif, délibératif et surtout participatif, s’avère maintenant inadapté.
De plus d’une manière générale l’accès à l’information étant désormais facilitée par les nombreux médias dont internet, il apparait essentiel de permettre une plus grande consultation des pratiquants, des clubs, des Comités Départementaux et des Ligues pour garantir une meilleure cohésion de la Famille «Athlétisme» devenue si diverse.
Le projet de Politique Fédérale et même Sportive ne doit plus se concevoir sans l’implication, dans son élaboration, de tous les acteurs qui auront à le mettre en œuvre…
Ce qui est totalement à l’opposé d’une logique de projet seulement présenté, éventuellement débattu, mais voté rapidement au cours d’une seule AG, ceci ayant, de fait, une incidence sur le mode de fonctionnement du Comité Directeur FFA lui-même …

Vous évoquez donc ces différents « concepts » de découverte, loisir et compétition déclinés sur le contenu des différentes licences proposées par la FFA.
Ce sujet qui a fait couler un peu d’encre depuis deux ans, est il pour vous un exemple de ce qu’une nouvelle gouvernance aurait pu apporter de meilleur ?

Oui il l’est dans la mesure où l’unification progressive du tarif de ces licences s’est faite en juin 2010, après une première décision du Comité Directeur FFA, en Avril, visant ainsi une forte augmentation des tarifs (25%!) pour augmenter les fonds propres de la FFA, et en refusant par ailleurs un vote pourtant sollicité à l’Assemblée Générale d’avril 2010.
C’était pourtant typiquement, au fond, une décision politique du ressort de l’ AG et pour laquelle son approbation aurait dû être soumise à vote, et ce même si les statuts précisent que les tarifs de licences sont du ressort du CD FFA.
J’en parle d’autant plus facilement que j’avais œuvré, sur le projet initial de l’intérêt de tarifs différenciés lors de la création des nouvelles licences, pour permettre ainsi le développement de ces nouvelles pratiques.

Justement n’est ce pas non plus sans vote que ces tarifs avaient été actés ?

De 1996 à 2002 j’animais le groupe de travail « étude et réflexion » qui s’était attelé à ce sujet ainsi que sur l’autonomie des Ligues et Comités à décider de leur quote-part.
Sans vote de l’AG ? Oui ! Mais sans polémique non plus !
Car il s’agissait de nouvelles licences pour lesquels le tarif a été déterminé sur trois critères: le niveau de prestation offerte directement par la FFA, les nouveaux publics concernés et la volonté de promouvoir des activités et des pratiques nouvelles. La mise en œuvre de ces nouveaux tarifs était tout au bénéfice financier des clubs mais aussi des Ligues et Comités Départementaux puisque ceux-ci avaient vu d’une part le coût de la licence compétition préservé et d’autre part la possibilité d’enclencher leur développement avec leur quote-part sur ces autres types de licence, avec des tarifs FFA moins élevés.
Il n’y avait pas eu de hausse brutale du coût moyen du tarif FFA d’une licence … bien au contraire…
C’est a dire une autre approche que l’option prise en 2010 de baser la hausse des tarifs sur la nécessité d’augmenter les fonds propres de la FFA, ce qui a mis en difficultés bien des clubs…

Parmi ces licences, pour passer un peu plus au terrain, pas de licence entraîneur. Est-ce bien normal ?

Pas d’à priori sur la question. Le corps des entraîneurs est reconnu par des diplômes fédéraux Une licence « encadrement » vise aujourd’hui à permettre une reconnaissance de l’encadrement en général (entraîneurs, dirigeants, officiels) d’un club et ce sans distinction. Sur le principe, compte tenu de l’importance du rôle moteur des entraîneurs, cette proposition est tout à fait audible. Tout comme celle de dirigeants ou d’officiels.
Nombre de personnes « cumulant » les 3 diplômes, la distinction obligerait celles-ci à faire un choix (et sauf à prévoir des mentions spécifiques sur la licence encadrement)

Oui c’est juste. Ces dirigeants « polyvalents » pour beaucoup, sont quant à eux désormais invités à se former de plus en plus. Bénévoles pour leur club mais aussi actifs professionnellement par ailleurs…
Votre sentiment à cet égard ?

Les dirigeants sont très divers. Certains gèrent de petites structures, d’autres des clubs dépassant les 1000 adhérents et avec des choix de développement hétérogènes.
Bien évidemment leur travail et leur implication à tous, sont énormes, d’autant qu’ils sont aussi présents sur le terrain avec des doubles voire triple-casquettes d’entraîneur et d’officiel pour certains.
Leur demander plus encore avec un investissement en formation diplômante peut faire débat selon la nécessité ressentie.
Ce qui importe c’est avant tout leurs compétences de dirigeants.
L’obtention de diplômes pour le diplôme n’est pas l’objectif mais d’abord une reconnaissance. Un cursus 1er, 2e voire 3e degré peut s’avérer être un « plus » utile de reconnaissance pour ceux dont les clubs le justifient au regard des responsabilités à assumer ! A chacun d’évaluer aussi ses besoins m’a-t’il toujours semblé à travers mes propres expériences de dirigeants de club et de président de Ligue.
Mais pour permettre aux dirigeants une autoévaluation de leurs besoins, il faut informer… puis former…

Evoquons également l’avenir de l’athlétisme français avec ses « jeunes ». Aujourd’hui certains entraîneurs évoquent des difficultés à fidéliser, d’autres à amener les jeunes vers la compétition. Où se situe la priorité selon vous entre fidéliser le plus grand nombre et amener certains vers la compétition voire l’excellence un peu plus tard ?

La Fidélisation des jeunes est difficile pour les raisons que l’on connait. C’est un fait. Rencontré dans toutes les fédérations avec des catégories d’âge plus sensibles que d’autres.
Cette fidélisation n’en reste pas moins meilleure qu’auparavant sur les catégories benjamins et minimes par exemple. Notamment si l’on constate que ce sont désormais des enfants présents dans l’athlétisme depuis les catégories EA/PO et pour lesquels si lassitude il y avait, celle ci serait plus manifeste encore.
C’est le reflet certain du bon travail fait au niveau des clubs.

Mais pour répondre à votre question, c’est davantage la baisse relative de l’intérêt pour la compétition qui m’interpelle.
En ce sens il est évident que des efforts doivent être menés et pas seulement sur une population d’excellence comme j’ai pu l’entendre déjà au plus haut niveau fédéral.
Il faut une large base et une grande élite, ne serait ce que par l’apport de cette base dans les clubs en terme de lien associatif, de richesse humaine pour tous, et y compris pour les tout meilleurs qui donnent l’émulation et en reçoivent la reconnaissance.
Il convient également d’être prudent sur les meilleurs jeunes dont les facteurs de précocité dans la performance peuvent s’avérer illusions.
S’il y a détection qui est aussi un facteur de fidélisation, il faut un accompagnement scolaire et familial, un suivi de grande proximité. Il ne faut en tout cas pas opposer pratique compétitive de masse et pratique de haute performance. Les deux doivent être l’objet différencié de l’attention de la Politique Fédérale

Haute Performance.
Voilà qui nous amène au haut niveau, vitrine de l’athlétisme français. Votre regard sur les 4 dernières années écoulées ? Bilan positif  selon vous ?

Un bilan est toujours difficile à réaliser car fonction de nombreux critères si on veut être objectif. Le titre olympique de Renaud Lavillenie m’a bien sûr enthousiasmé ; c’est un plus significatif par rapport aux Jeux Olympiques précédents mais cela ne suffit pas pour dire que les jeux furent une grande réussite au regard de ce qui avait été tant annoncé.
Le nombre et les performances des finalistes furent également satisfaisants mais moins sur le nombre d’athlètes n’accédant pas en ½ finales (les 16 premiers pour faire simple) (1).
Les très bons résultats en championnats d’Europe en 2010 sont à souligner mais avec un « bémol » en 2012. Ils témoignent d’un potentiel plus élevé, ainsi que d’une génération d’athlètes particulièrement talentueux mais pas encore bien traduite en termes de résultats.
Certains résultats, de plus, ne sont pas à mettre au bénéfice du système fédéral, d’autres ont pu montrer que mettre des athlètes dans les meilleures conditions possibles ne leur épargnait pas non plus blessures et performances moins bonnes. Reste à analyser tout cela.
Mon attention se porte aussi sur les plus jeunes avec des signes pas nécessairement rassurants comme le 2ème plus faible nombre de finalistes tous temps cet été aux championnats du monde junior (mais 4 médailles…) ou encore des championnats d’Europe espoir 2011(2) plus faible résultats tous temps (médailles et finalistes) de la compétition.
Le bilan est néanmoins globalement très favorable sur les quatre ans mais la réussite du Projet Fédéral ne peut pas se limiter au nombre de médailles et de finalistes ou, par ailleurs à l’augmentation brute du nombre de licenciés.

Pour finir, car votre temps vous est certainement compté … A Culture athle , le demi-fond occupe une place privilégiée. C’était la semaine dernière la semaine du cross. Actualité oblige novembre ne sera pas que le mois des élections pour les passionnés d’athlétisme (!)
Que penser vous aujourd’hui de la place accordée au cross à l’école et dans les clubs d’athlétisme ?

Cette semaine du cross montre qu’il existe toujours un intérêt pour cette discipline en milieu scolaire. Elle s’appuie sur l’excellent travail mené par de nombreux enseignants que j’ai pu accompagner lors de mon parcours professionnel de Principal de collège.
Il serait souhaitable d’évaluer le bénéfice réel occasionné par cette semaine du cross pour les clubs, pour les A.S. des établissements scolaires. Je ne crois pas par exemple avoir vu de retour d’analyse des retombées éventuelles liées à cette action, simplement reconduite désormais chaque année, alors que bien évidemment le cross est une discipline de l’athlétisme à part entière qui mérite d’être revitalisée de manière observable.
A ce titre dans le cadre d’une gouvernance différente, une évaluation partagée d’un état des lieux de ce type, avec une juste prise en compte des expériences et difficultés locales m’apparait incontournable. Elle impliquerait bien sûr les clubs mais aussi les comités et les ligues avec des orientations ensuite appropriées aux besoins exprimés. Mais c’est encore un peu tôt pour l’envisager plus concrètement … jusqu’au 17 novembre du moins. 

Merci à vous pour cette dernière réponse. Nous suivrons bien sûr cette élection avec attention.

(1) ndlr: Les 16 premiers (aux bilans de l’année) servant la plupart du temps de référence pour la détermination des minimas qualificatifs aux grand championnats.

(2) ndlr : Championnats européens seulement pour la catégorie espoir : pas de championnats du monde pour cette catégorie.