Le KENYA à la conquête du demi-fond – de 1964 à 1996 (1)

Le KENYA est un symbole pour les coureurs du monde entier. Ce n’est pas pour rien que de plus en plus d’athlètes partent en stage en altitude au Kenya, pour retrouver des conditions d’entraînement qui ont permis aux demi-fondeurs et fondeurs kenyans de se hisser tout en haut de l’athlétisme mondial. La suprématie kényane s’est construite pas à pas depuis les Jeux Olympiques de Mexico en 1968. Quelles ont été les grandes étapes et les grands coureurs kényans ?

Culture Athle va retracer l’histoire du demi-fond kényan en trois volets, des Kipchoge Keino, Paul Ereng, Moses Kiptanui aux Paul Tergat, Daniel Komen, Noah Ngeny, David Rudisha,… Le premier volet sera consacré aux champions kenyans avant les Jeux Olympiques d’Atlanta ’96, le second volet à partir de cette date jusqu’à aujourd’hui et le troisième volet sur les expatriés kényans.

Wilson Kiprugut, le pionnier kenyan

Le premier a avoir ouvert le compteur de médailles olympiques pour le Kenya est Wilson Kiprugut. Aux Jeux Olympiques de Tokyo 1964, on le découvre sur 800m lorsqu’il mène à allure rapide sa demi-finale olympique et l’emporte en 1’46 »1. En finale, il ne se pose pas beaucoup plus de questions et ne se fait rejoindre que dans la dernière ligne droite par Peter Snell (1’45 »1) et William Crothers (1’45 »6). Ses 1’45 »9 lui permettent de monter sur un podium olympique. Wilson Kiprugut sera le seul kenyan à ramener une médaille de ces Jeux de Tokyo mais les Jeux de Mexico 1968 vont considérablement changer la donne pour le Kenya.

Lors des Jeux de Mexico 1968, ce même Kiprugut court pour le graal olympique et tente un coup de bluff. Il part vite, très vite, en 51 » aux 400 mètres. Il tient jusqu’aux 720 mètres mais se fait dépasser par l’Australien Ralph Doubell qui parvient même à égaler le record du monde en 1’44 »’3. Kiprugut, second en 1’44 »5, aura finalement servi de lièvre malheureux à l’australien.

Le triomphe kenyan à Mexico ’68

Si Wilson Kiprugut a débloqué le compteur olympique pour la nation kenyane, la première médaille d’or revient à Naftali Temu sur le 10 000m. Le favoris, l’australien Ron Clarke mène une grande partie de la course sur un rythme lent : 14’55 aux 5000m. Un autre Kenyan Kipchoge Keino est contraint à l’abandon, souffrant à l’estomac. Lorsque Ron Clarke attaque, on le pense alors s’envoler vers la victoire, mais une terrible défaillance le terrasse dans le dernier tour. Il ne sera pas le seul à qui les 2300m d’altitude de Mexico auront joué un tour. Naftali Temu l’emporte dans un temps de deux minutes supérieur au record du monde, en 29’27 »40 devant l’Ethiopien Mamo Wolde et le Tunisien Mohammed Gammoudi.

Sur le 5000m on reprend les mêmes et on recommence, hormis Mamo Wolde qui tente sa chance avec succès sur marathon. Kipchoge Keino croit en la victoire mais se fait doubler dans les 50 derniers mètres par Mohammed Gammoudi alors que Neftali Temu glane sa seconde médaille, en bronze cette fois-ci.

Kipchoge Keino, qui n’est toujours pas parvenu a décroché l’or termine ses travaux d’Hercule (abandon sur 10 000m, 2e sur 5000m) par un 1500m face au recordman du monde invaincu depuis 3 saisons, l’Américain Jim Ryun. Jim Ryun n’est cependant pas au mieux de sa forme. Keino reçoit le précieux soutien de son compatriote Ben Jipcho qui lui sert de lièvre sur 700m. Le rythme est très rapide : 56 » au 400m, 1’55 »3 au 800m, 2’53 »4 au 1200m. Kipchoge Keino se bat seul devant alors que les autres espèrent le voir flancher. Ce ne sera pas le cas, le kenyan remporte le 1500m de Mexico ’68 en 3’34 »9 avec une avance considérable, la plus grande de l’histoire de la discipline. Jim Ryun, le second est à plus de 20 mètres, en 3’37 »8. (vidéo ci-dessous)

Les Jeux de Mexico auront été un véritable triomphe pour les athlètes kenyans, peut-être aidés par la haute altitude de Mexico à laquelle ils sont accoutumés. Outre les médailles ci-dessus, on aura assisté à un doublé sur le 3000m steeple grâce à Amos Biwott et Benjamin Kogo, ainsi qu’à une très inattendue seconde place sur 4x400m. Un des relayeurs, Daniel Rudisha, n’est autre que le père de l’actuel recordman du monde du 800m David Rudisha. Ces performances hors-normes ont permis au Kenya de se placer second à la table des médailles des JO 1968 en athlétisme ! Le 4x400m atteindra même la perfection en 1972 en étant la seule équipe sous les 3 minutes et devançant les Britanniques et les Français.

Kipchoge Keino, héros de tout un peuple

Mais revenons à Kipchoge Keino qui n’en était pas à son premier coup d’essai en 1968. Jugez plutôt. Aux Jeux de Tokyo ’64, il est 5e sur 5000m et 10e sur 10 000m. L’année suivante, il pulvérise de plus de six secondes le record du monde du 3000m pour sa première tentative (7’39 »6) et parvient aussi à battre le record du monde du 5000m (13’24 »2) que détenait Ron Clarke, avant que ce dernier ne se le réapproprie de nouveau. Keino décroche également l’or au 1500m et 3000m aux Jeux panafricains cette même année avant de remporter le mile et le 3 miles aux Jeux du Commonwealth en 1966.

Quatre ans après Mexico, Kipchoge Keino est le porte-drapeau de la délégation kenyane lors des Jeux de Munich ’72. Il se présente comme grand favoris du 1500m, mais se lance d’abord à l’assaut d’un 3000m steeple dont il n’a que peu d’expérience. A l’inverse, son compatriote Ben Jipcho, qui l’avait emmené sur les rails de la victoire sur 1500m à Mexico, possède une certaine expérience de la discipline. Tous les deux jugent le Finlandais Tapio Kantanen dangereux et décident de faire une course d’équipe même si Jipcho a peut-être une meilleure chance de l’emporter en partant seul. Kipchoge Keino peine sur le franchissement des obstacles. Il parvient néanmoins à rester dans le coup jusqu’à la cloche. Il démarre alors en trombe et boucle le dernier tour en 59 ». Kipchoge Keino l’emporte alors en 8’23 »64, une seconde devant Jipcho et Kantanen. Comme sur le 1500m de Mexico, on peut dire que Ben Jipcho a largement contribué au succès de Keino.

Sur le 1500m, la victoire semble promise à Keino après la chute en demi-finale de l’américain Jim Ryun qui ne sera pas requalifié suite à la bousculade dont il fut victime. A l’inverse de la finale olympique de Mexico, le rythme est lent : 61 »4 aux 400m et 2’01 »4 aux 800m. C’est parfait pour le Finlandais Pekka Vasala, récent recordman d’Europe du 800m en 1’44 »5, qui double Keino dans la dernière ligne droite. Le Finlandais gagne en 3’36 »3 contre 3’36 »8 pour le Kenyan qui n’a pas su prendre ses responsabilités.

Kipchoge Keino prend sa retraite en 1973 avec quatre médailles olympiques et sera un modèle pour toute une génération de Kenyans, bien décidée à imiter les exploits de ses aînés. Kipchoge Keino est non seulement le Kenyan le plus médaillé aux JO, mais c’est également lui qui a importé la méthode d’entraînement de l’interval training. Il mettra à profit son rayonnement pour fonder une maison d’accueil d’orphelins, deux écoles, un centre d’entraînement et sera élu président du comité olympique kenyan. Un champion au grand cœur !

Quand la politique s’en mêle : deux boycotts successifs du Kenya

On ne retrouve malheureusement pas un seul Kenyan lors des Jeux Olympiques de Montréal 1976 et Moscou 1980 à cause de deux boycotts successifs du Kenya. Le premier est dû au retrait de la quasi totalité de l’Afrique (tous sauf le Sénégal et la Côte d’Ivoire) suite à la présence de la Nouvelle-Zélande dont l’équipe de rugby avait effectué peu de temps auparavant une tournée en Afrique du Sud, théâtre de l’Apartheid et du massacre de Soweto. Le second intervient avec le boycott américain des Jeux de Moscou, les Etats-Unis parvenant à convaincre une vingtaine de pays africains à les suivre, dont le Kenya. A l’inverse, l’Éthiopie, alliée de l’URSS, prendra part aux Jeux de Moscou ’80 mais pas aux Jeux de Los Angeles ’84.

Henry Rono, champion aux rêves brisés

Henry Rono ne pourra donc pas prendre part à son rêve olympique alors qu’il avait toutes les chances de l’emporter. Dépité, il part dès 1976 dans une université américaine grâce à une bourse. L’année 1978 est pour lui synonyme d’une saison exceptionnelle. En l’espace de 81 jours, il parvient à battre quatre records du monde : le 10 000m en 27’22 »5, le 5 000m en 13’08 »4, le 3000m steeple en 8’05 »4 et le 3000m en 7’32 »1. Du jamais vu ! Il abaisse le record du 10 000m de presque 8 secondes, celui du 5000m de presque 5 secondes et celui du 3000m de 3 secondes. Il remporte également cette même année les Jeux du Commonwealth sur 5000m et 3000m steeple et les Jeux Africains sur 10 000m et 3000m steeple.

Ses autres faits d’armes sont ses trois victoires (1976, 1977, 1979) aux championnats universitaires américains (NCAA) de cross-country, faisant de lui l’un des trois coureurs ayant réalisé cet exploit avec Steve Prefontaine et Gerry Lindgren. Son ultime chef d’œuvre est son record du monde en 1981 sur 5000m en 13’06 »20.

La particularité d’Henry Rono est qu’il a couru plusieurs de ses records du monde en negative split (seconde partie de course plus rapide que la première) alors qu’on assiste généralement à l’inverse pour les meilleurs chronos de l’Histoire. Par exemple lors de ses 7’32 »1 au 3000m il court en 3’49 »5 + 3’42 »6 ou lors de son premier record du monde, il parcourt son dernier mille mètres en 2’33 »7 contre 2’41 »4 pour son premier.

Il aura bien du mal à surmonter moralement les boycotts qui l’auront empêcher d’exprimer tout son talent. Resté aux Etats-Unis, il sombre dans l’alcoolisme et devient même sans-abri. Depuis, il a réussi à s’en sortir et est désormais entraîneur d’une équipe universitaire. Il raconte son histoire dans une biographie très poignante parait-il.

Mike Boit privé de JO face à Juantorena puis face à Coe et Ovett

Mike Boit est un autre potentiel champion olympique à avoir pâti du boycott kenyan aux JO 1976 et 1980. Aux JO de Montréal 1976, le monde de l’athlétisme n’assistera malheureusement pas à une confrontation entre Mike Boit, coureur au profil 800-1500m, et Alberto Juantorena, coureur au profil 400-800m. Juantorena profite de l’absence de Boit pour réaliser le seul doublé olympique 400-800m de l’histoire. Mike Boit ne sera pas non plus de la partie à Moscou alors qu’on assiste au duel Sebastian CoeSteve Ovett.

Pourtant aux JO de Munich 1972, Mike Boit montrait toute l’étendu de son potentiel en se classant 3e en 1’46 »0 à un dixième du vainqueur américain Dave Wottle et de son dauphin soviétique Yevegeniy Arzhanov. Sur 1500m, il est encore troisième jusqu’aux 1400 mètres et ne termine qu’à une seconde du podium sur lequel monte l’idole Kipchoge Keino. Étant empêcher d’exprimer son talent lors des joutes olympique, Mike Boit se rattrape sur de nombreux meetings européens. En 1975, il étonne de régularité en courant en 1’43 »8, à un dixième du record mondial, mais également six autres fois en 1’45 » ou moins.  En fin de carrière, il se spécialise plus sur le 1500m et en 1981 dans un mile d’anthologie, il termine second en 3’49 »45 alors que Sebastian Coe l’emporte en 3’47 »33, nouveau record du monde.

Les Jeux Olympiques post-boycott seront l’occasion de voir briller quelques étoiles filantes kenyanes réussissant des coup d’éclats et ne confirmant jamais par un autre podium olympique ou mondial. On peut en partie l’expliquer par des courses de sélection dignes d’un championnat international et qu’il est donc très difficile de faire parti de la sélection kenyane, même en ayant été champion olympique quatre ans auparavant.

Ainsi aux Jeux de Los Angeles 1984, Julius Korir l’emporte sur 3000m steeple en 8’11 »80 devant le Français Joseph Mahmoud mais ne pourra plus représenter son pays dans de futures compétitions internationales.

Aux Jeux Olympiques de Séoul ’88, le Kenya rafle presque tout : 4/5

En 1988 à Séoul, le Kenya assomme complètement le demi-fond masculin. Le très talentueux mais inexpérimenté Paul Ereng gagne le 800m devant les deux cadors que sont le Brésilien Joaquim Cruz et le Marocain Saïd Aouïta. Dans cette course se trouvent également l’Anglais Peter Elliott, l’Américain Johnny Gray au record en 1’42 »60 et l’Italien Donoto Sabia. Paul Ereng, très bon finisheur, se retrouve avant-dernier à la cloche en 51 »1. Il refait peu à peu son retard et à la sortie du dernier virage, se faufile et l’emporte en 1’43 »45. (vidéo ci-dessous)

Mais ce n’est pas tout, on retrouve les victoires de Peter Rono sur le 1500m en 3’35 »96, John Ngugi sur le 5000m, en 13’11 »70, avec quatre secondes d’avance sur un ouest-allemand et un est-allemand, et Julius Kairuaki sur 3000m steeple en 8’05 »51 (record olympique toujours d’actualité) devant son compatriote Peter Koech. Quatre succès sur les cinq épreuves de demi-fond ! Et encore Kipkemboy Kimeli prend la troisième place du 10 000m et Douglas Wakiihuri la seconde place du marathon.

Si vous ne connaissez pas tellement ces athlètes kenyans c’est qu’aucun de ces médaillés de 1988 ne parviendra à remonter sur un podium olympique ou mondial sur piste. Seul John Ngugi brillera également en cross-country en devenant le premier athlète à gagner cinq titres mondiaux de cross-country (1986, 87, 88, 89, 92).

Billy Konchellah impérial aux Mondiaux, malheureux aux JO

Billy Konchellah ne fut quant à lui pas présent lors de ces JO de Séoul ’88. Il ne sera d’ailleurs jamais médaillé olympique. Il termine 4ème sur 800m à Los Angeles ’84 malgré un gros dernier tour en 50 » et manque les deux Jeux Olympiques suivants à cause de crises d’asthme. Malgré ces malédictions olympiques, Billy Konchellah s’est néanmoins forgé un palmarès conséquent avec deux titres mondiaux sur 800m en 1987 à Rome (1’43 »06, record des championnats toujours d’actualité, lors des premiers mondiaux de l’histoire), en 1991 à Tokyo (1’43 »99) et une troisième place en 1993 à Stuttgart.

Déjà jeune, Billy Konchellah faisait des étincelles. En 1979, à 17 ans (l’âge étant à prendre avec des pincettes), il courait le 400m en 45 »38 et en 1981, il servit de lièvre à Sebastian Coe lors de son record du monde du 800m en 1’41 »73 à Florence.

A Barcelone 1992, les kenyans parviennent à réaliser un doublé sur 800m malgré l’absence de Konchellah. William Tanui l’emporte en 1’43 »66 avec seulement 4 centièmes d’avance sur Nixon Kiprotich et 31 centièmes sur Johnny Gray.

Mais le coup de grâce du demi-fond kenyan arrive sur le 3000m steeple, fleuron national, où le Kenya parvient à réaliser un triplé inédit grâce à Matthew Birir (8’08 »84), Patrick Sang (8’09 »55) et William Mutwol (8’10 »74). Patrick Sang est abonné aux secondes places avec ses autres secondes places aux mondiaux de Tokyo ’91 et Stuttgart ’93. Mais un absent de taille aurait très bien s’interposer s’il avait été sélectionné dans l’équipe kenyane…

Moses Kiptanui, Monsieur steeple

En effet, à cause d’une quatrième place lors des sélections kenyanes, le champion du monde en titre Moses Kiptanui ne pu se lancer dans la joute olympique de Barcelone 1992. Il avait pourtant le potentiel pour l’emporter puisqu’il s’emparera en fin d’année du record mondial de Saïd Aouïta sur 3000m, à Cologne en 7’28 »96, puis de celui du 3000m steeple, en 8’02 »08 à Zurich.

Lors de ce record mondial du 3000m, les observateurs attendaient plutôt l’Allemand Dieter Baumann, médaillé d’or 1992 sur 5000m, qui avait annoncé son intention de battre le record. L’Allemand ne termine que quatrième de la course derrière trois kenyans, dont bien entendu Kiptanui qui n’aura pas été le lièvre comme certains commentateurs ont pu l’annoncer.

Moses Kiptanui devient même intraitable en championnats du monde. Il remporte trois titres consécutifs sur 3000m steeple à Tokyo 1991, Stuttgart 1993 et Göteborg 1995, tous ponctués d’un doublé kenyan.

En 1995, Kiptanui est au sommet de sa forme. Le 8 juin à Rome, il subtilise pendant deux mois le record du monde du 5 000m à l’Ethiopien Haile Gebreselassie en 12’55 »30. Le 25 juillet à Monaco, il court en 7’27 »18 et n’est pas loin de reprendre son record du monde du 3000m que Nourredine Morceli lui avait ravit en 7’25’11. S’en suivent les championnats du monde de Göteborg où il l’emporte sur 3000m steeple en 8’04 »16 avec plus de 5 secondes d’avance sur son dauphin Christopher Kosgei.

Enfin le 16 août, le stade du Lezigrund de Zurich est de nouveau le théâtre d’un exploit de Kiptanui, probablement son chef d’oeuvre. Il refuse l’aide de lièvre et s’attaque seul à son record mondial acquis trois ans auparavant sur cette même piste magique. La barrière des 8 minutes, c’est 2’40 par mille mètres. Ses temps de passage sont légèrement en retard : 2’41 »2 aux 1000m et 5’22’2 aux 2000m. Mais Kiptanui semble facile. Il accélère alors et boucle ses derniers 1000m en 2’36 »98, tout juste suffisant pour devenir le premier homme sous les 8 minutes au 3000m steeple : 7’59 »18 !!

Les années 1996 et 1997 sont un peu moins prolifiques pour Moses Kiptanui. Il ne prend que les secondes places aux JO d’Atlanta et aux championnats du monde d’Athènes. Pire, en 1997, il se fait déposséder de son record mondial par celui qui l’empêcha d’acquérir une quatrième couronne mondiale, Wilson Boit Kipketer, à ne pas confondre avec son homonyme du 800m. Onze jours plus tard, à Cologne, Moses Kiptanui court en 7’56 »16, ce qui lui aurait permis de reprendre son bien si Bernard Barmasai (3e à Athènes ’97) n’avait pas gagner la course en 7’55 »72.

Avec leur triplé à Athènes ’97 et leurs exploits chronométriques, ces trois kenyans auront décidément bouleversé le 3000m steeple en cette fin de 20ème siècle. En tout cas Moses Kiptanui restera à jamais le premier homme sous la barrière mythique des 8 minutes au 3000m steeple.

Yobes Ondieki, premier homme sous les 27 minutes au 10 000m

L’autre barrière à tomber, c’est celle des 27 minutes au 10 000m, à mettre à l’actif de Yobes Ondieki en fin d’année 1993. C’est que le kenyan champion du monde du 5000m à Tokyo ’91 ne fait pas dans la demi-mesure. Il pulvérise le record du monde, détenu par Richard Chelimo, de presque 10 secondes pour le porter à 26’58 »38 !

Ismael Kirui, l’incroyable vainqueur des Mondiaux ’93

Autre champion, Ismael Kirui s’est révélé aux mondiaux junior avec une médaille d’argent à Plovdiv en 1990, sur 10 000m derrière son regretté frère Richard Chelimo futur recordman du monde (27’07 »91 en 1993) et médaillé olympique. Deux années plus tard en 1992 à Séoul, là encore lors championnats du monde junior, il termine second du 5000m à seulement 6 centièmes du vainqueur, Haile Gerbresselassie et où Hicham El Guerrouj se classe troisième. Sans aucun doute le plus beau podium de l’histoire de ces championnats du monde junior !

Ismael Kirui prendra sa revanche sur Gebresselassie au cours des mondiaux 1993 dans un 5000m extraordinaire dans tous les sens du terme. Les spectateurs regardent incongrus un premier Kenyan parti vite, très vite, trop vite. Chesire passe en 61 »3 aux 400 mètres puis 2’31 »76 aux 1000 mètres déposant littéralement le peloton. Hélas, il faiblit et se fait rattraper par la meute. Ismael Kirui prend les choses en main peu avant les 2000 mètres, avalés en 5’11 »27. Il décide alors de partir seul en attaquant brusquement dans un tour chronométré en 60 »21. A vouloir s’envoler sur un rythme suicidaire, Kirui semble faire la même erreur que son compatriote Chesire. Lorsqu’il possède près de cinquante mètres d’avance, tout le monde pense qu’il est épuisé et qu’il finira forcément par faiblir. Cela semble insensé de vouloir partir avant la mi-course quand on sait que derrière lui Khalid Skah et l’armada éthiopienne avec Gebresselassie sont à sa poursuite. Sauf que son coup de bluff est en passe d’être réalisé. A la cloche il a encore plus de trente mètre d’avance, le suspense est terrible ! Les éthiopiens se lancent à corps perdus à l’assaut du Kenyan et Haile Gebresselassie termine en trombe la dernière ligne droite. Trop tard, Ismael Kirui vient de franchir la ligne en 13’02 »75, seulement 42 centièmes avant Gebresselassie et montre ici tout l’étendu de sa classe. (vidéo ci-dessous)

Kirui conservera son titre mondial à Göteborg ’95 cette fois-ci dans une course tactique…

Ce qu’il faut retenir de ce début de règne du KENYA

Le monde entier a découvert ces coureurs des hauts plateaux au sommet de l’échiquier athlétique à partir des Jeux de Mexico ’68, avec notamment Kipchoge Keino et son triomphe sur le 1500m. Puis en 1976 et 1980, deux boycotts africains empêcheront Henry Rono (recordman du monde sur 3000m, 3000m steeple, 5000m et 10 000m) et Mike Boit d’exprimer leurs talents. La supériorité kenyane durant les année 80 et 90 est à son paroxysme à l’occasion du triplé kenyan sur 3000m steeple aux JO de Barcelone ’92.

Le grand absent de ce podium de Barcelone est Moses Kiptanui, pourtant premier homme sous les 8 minutes au 3000m steeple, après avoir échoué lors des exigeantes sélections nationales. Une autre barrière à tomber est celle des 27 minutes au 10 000m avec Obes Ondieki. Le talentueux Ismael Kirui sera quant à lui un peu notre transition avec notre seconde partie où l’on mettra notamment en avant les Paul Tergat, Daniel Komen, Esekiel Kemboi, David Rudisha, …

 

Vidéos de quelques une des courses marquantes mentionnées dans l’article :

Victoire de Kipchoge Keino sur 1500m à Mexico ’68 devant Jim Ryun, plus grand écart réalisé aux JO sur 1500m :

Victoire de Paul Ereng sur 800m à Séoul ’88 devant Joaquim Cruz et Saïd Aouïta :

Ismael Kirui, parti à un rythme improbable, vainqueur du 5000m en 1993 devant Haile Gebresselassie :