Quand la science s’intéresse aux lancers…

Quelques semaines avant la très solennelle remise des prix Nobel, un magazine scientifico-humoristique, Annals of Improbable Research, décerne ses « Ig Nobel ». Ces prix récompensent des travaux de scientifiques pour le moins inhabituels. Le but principal de cet évènement est de faire parler de la science avec humour. La preuve avec leur slogan : « d’abord faire rire les gens avant de les faire réfléchir. » Malgré le côté décalé de ces récompenses, la remise des prix a eu lieu dans la prestigieuse université d’Harvard avec de vrais lauréats du prix Nobel dans une cérémonie « légèrement chaotique mais amusante, avec des avions en papier » comme le décrit la BBC.

Ainsi le prix en biologie a été remis à une équipe qui est parvenu à montrer qu’une espèce de scarabées australiens tentait de s’accoupler avec une cannette de bière et le prix de la paix a été décerné au maire de Vilnius qui a fait détruire des voitures mal stationnées avec un tank.

Vous vous demandez alors pourquoi nous parlons de ces Ig Nobel sur Culture Athle ?

 

L’Ig Nobel 2011, dans la catégorie physique, a été remis à une équipe franco-néerlandaise, emmenée par Philippe Perrin, dont les travaux se sont portés sur un sujet athlétique très sérieux : « Pourquoi les lanceurs de disque sont pris de vertige, et pas les lanceurs de marteau. » Et bien non ce n’est pas une blague, ces chercheurs sont parvenus à la conclusion suivante :

 

Alors qu’à la fois le lancer du disque et du marteau impliquent des mouvement de rotation aboutissant au lancer d’un objet, les lanceurs de disques font parfois état de vertige, quelque chose qui n’a jamais été rapporté par les lanceurs de marteau. Nous avons fait des recherches pour savoir si cette sensibilité était due à la sensibilité du lanceur ou au type de lancer réalisé. Pour ce dernier, nous avons comparé le caractère déterminant dans la gestuelle, la stabilisation du regard et la trajectoire du projectile dans les deux types de lancers.

Un total de 22 sportifs de haut-niveau dans ces deux disciplines, la moitié d’entre pratiquant les deux lancers, ont été interviewés. Les vidéos au ralenti du lancer du disque et du marteau ont été examinées pour déterminer le référentiel visuel, les mouvements de la tête et les zones d’appuis au sol impliqués à chaque étape des mouvements.

La gêne a été rapporté par 59% des sportifs en lançant le disque, mais par aucun des sportifs en lançant le marteau. Parce que plusieurs individus pratiquent les deux sports, ces résultats excluent l’hypothèse de la sensibilité au vertige de l’individu. Les analyses vidéos prouvent que pendant le lancer du marteau, les repères visuels peuvent être utilisés plus facilement que pendant le lancer du disque.

De plus, il y a une perte de contact plantaire et une génération de mouvements de la tête qui peuvent induire un vertige lié à la vitesse, comme l’accélération de Coriolis. Pour conclure, même si lancer du marteau et lancer du disque présentent de nombreuses similarités, nous démontrons que les différences cruciales dans l’exécution spécifique de chaque lancer sont responsables des vertiges vécus par les lanceurs de disque.

 

Je suis sûr que les discoboles seront ravis de trouver une réponse rationnelle aux vertiges qu’ils peuvent ressentir et dont la majorité d’entre nous ignorait l’existence…