Benjamin Malaty : « j’avais à coeur de retrouver mon niveau »

Entretien avec Benjamin Malaty, parmi les 3 athlètes déjà sélectionnés pour les championnats d’Europe de Berlin : retour sur sa saison 2017, sa carrière sur marathon, et ses objectifs 2018.

Bonjour Benjamin, comment vas tu, après cette bonne année 2017 où on t’aura vu sur deux marathon au printemps (Paris) puis à l’automne (Berlin) pour finir en équipe de France de cross lors des Europe en fin d’année ?

Je vais très bien après une année bien remplie. 2017 aura été une année importante dans ma reconstruction. Après 2 années plutôt compliquées, j’ai retrouvé le plaisir de courir, mon niveau sur marathon et L’Equipe de France lors des derniers Europe de cross.

Oui, un championnat assez difficile pour l’équipe de France senior semble t’il ?

Oui pour ma part cela n’a pas été une bonne course car je suis parti sans doute un peu vite pour rester dans les points de l’équipe et ai eu ensuite des difficultés à me maintenir d’autant que le classement étant cette année sur trois athlètes.. c’était un peu à quitte ou double concernant cette prise de risque au départ.

Après même si le résultat n’a pas été à la hauteur de mes espérances, j’ai vécu un beau championnat avec cette jeunesse pleine de promesses en espoirs et juniors.

Tu auras donc enchaîné 2 marathons probants en 2017 mais sans record personnel au bout. Quels enseignements en as tu tiré ?

Le premier est que j’ai signé 2 belles performances en 6 mois, après 3 ans sans chrono référence sur la distance. J’avais à cœur de retrouver mon niveau et surtout de ne pas rester sur plusieurs échecs.
J’ai surtout pris énormément de plaisir sur ces 2 préparations.Le second est que je sens que j’ai encore progressé et qu’il y a une marge de progression.
A Paris, je passe trop vite (64.10) pour tenter d’avoir un groupe jusqu’au 30
ème et je finis dans le dur.
A Berlin, la chaussée détrempée n’a pas aidé pour le chrono.
Pour ces raisons, je reste persuadé que j’avais mon PB à ma portée (2h12) ce qui me conforte dans l’idée de pouvoir faire beaucoup mieux prochainement.

On a pour les français actuellement l’impression d’une barrière psychologique à 2h10′. Qu’en penses tu pour ce qui te concerne ?

Cette barrière concerne aussi beaucoup d’européens. On sent qu’il n’est pas facile de courir moins de 2h10. Aujourd’hui Hassan Chahdi en est capable et à court terme Florian Carvalho également.

Pour ma part ce serait un aboutissement de passer en dessous, mais je dois encore progresser pour aller chercher d’abord un moins de 2h11.

Tu évoques Florian Carvalho, qu’on aura vu faire un test très probant cet automne au 20 km de Paris . Tu penses qu’il a de l’avenir sur marathon ?

Oui même si ce n’est jamais facile de monter sur la distance. Florian a toujours eu un gros foncier et je sais qu’il fera les choses avec sérieux et application pour parvenir au meilleur résultat qu’il lui sera donné d’atteindre. Après je crois savoir que sa montée sur la distance sera progressive et je me réjouis en tout ca de le voir arriver sur marathon. C’est un ami.

Pour revenir à ta saison, tu auras donc pu faire deux marathons et une saison complète cette année, ce qui ne t’était pas arrivé depuis quelques temps. As tu changé des choses dans ton entraînement ? Ton approche plus globale du marathon et la course à pied également ?

Non je n’ai pas fait de grosse révolution pour arriver a cette saison satisfaisante. Pour autant je me suis posé quelques questions effectivement en 2015, avec ces blessures à répétitions, pas nécessairement invalidantes, mais gênantes au quotidien dans l’entraînement.

Parmi les choses qui ont changé, j’ai essayé de travailler davantage ma posture et mon renforcement musculaire. C’est encore un domaine que je dois travailler mais j’en ai senti les bénéfices sur mon organisme.

Un gros travail  de PPG et musculation pour marathonien ?

Non un travail adapté. Je n’ai pas changé d’entraîneur non plus avec toujours le soutien de Messaoud Messati qui me suit depuis mes débuts en poussin et pleinement depuis la catégorie benjamin. J’ai en revanche changé de chaussures par exemple. Kalenji a arrêté mon contrat après une belle collaboration et j’ai trouvé un nouveau challenge chez Hoka avec des chaussures qui me satisfont pleinement en termes de sérénité et confort dans l’entraînement.

Tu peux nous en dire plus sur cette marque un peu moins connue du monde de l’athlétisme ?

C’est une marque issue du monde de la montagne/trail avec des fondateurs venus de chez Salomon et implantée à Annecy, racheté depuis quelques années par le groupe américain Deckers. J’ai trouvé des produits compatibles à ce moment de ma carrière. C’est une grande satisfaction.

Tu évoques aussi ton entraîneur historique, Messaoud Settati, qui sauf erreur est toujours dans la région d’Agen ? (Benjamin réside en région bordelaise). N’est ce pas un petit manque quand même quand on voit ces staffs complets qui gravitent désormais au quotidien autour des athlètes ?

Oui et non. Nous avons une relation forte qui fait son succès et tout ce que j’ai pu atteindre en performances. C’est davantage de concurrence et de suivi particulier sur quelques séances difficiles qui peut me faire défaut parfois, même si j’arrive à m’organiser pour cela le plus souvent avec l’aide de plusieurs potes d’entraînement. (Yannick Dupouy, Denis Mayaud, Massy Belaïd…)

Tu n’as pas succombé non plus à la mode des stages dans des contrées lointaines ? Le Kenya par exemple ?

Non c’est un peu loin et je ne suis pas fan de ces destinations à la mode comme tu dis..

Préférant de loin des stages plus proche au Portugal ainsi qu’optimiser mes bonnes conditions d’entraînement ici au quotidien à Bordeaux, en équilibre avec mon travail et ma vie personnelle aussi.


Référence obligée du marathon en France, Dominique Chauvelier « critique » parfois les marathoniens français actuels en leur conseillant de faire davantage de courses hors stade pour s’aguerrir et travailler davantage leur visibilité ? 
Avec ton recul de coureur hors stade chevronné maintenant,  as tu un avis également a ce sujet ?

J’ai un avis assez tranché effectivement. A savoir que j’aime la course à pied, j’aime la compétition aussi, mais courir tous les week-ends en compétition ne fait pas parti de mon plaisir eu égard aux longues préparations et à l’investissement que cela nécessite.

C’est un point de vue que je ne peux qu’étayer de mon expérience personnelle sur la distance maintenant. Peut être son époque était différente aussi, avec moins de coureurs africains sur marathon qu’actuellement, une offre différente en prime de notoriété des organisateurs en direction des meilleurs français aussi (??) mais pour ma part je ne vois pas comment enchaîner compétitions régulièrement tous les we et grosse préparation nécessaire à toute course avec objectif chronométrique.

Mais en terme de visibilité et image ne penses tu pas que cela peut être un atout pour vivre de ton sport et pouvoir mieux te préparer justement ?

Chacun a ses équilibres et motifs à organiser sa carrière d’une manière ou d’une autre. Pour ma part, comme je l’ai déjà dit, j’ai aussi un travail qui m’apporte beaucoup, pas toujours facile à concilier avec une pratique de haut niveau, mais important pour mon équilibre et mon développement personnel d’homme, mais d’athlète aussi.
Après chercher de la visibilité à tout prix ne m’intéresse pas. J’aime partager avec les gens que je rencontre, parler de course à pied et échanger sur notre passion. On ne fait « que » du sport et c’est ainsi que j’aime ma pratique du haut niveau.

Plus techniquement maintenant et d’un point de vue personnel, que penses tu du negativ split un peu perdu de mode à l’avant des pelotons internationaux depuis quelques années ?

Sur ce point je pense que dans la recherche de la performance optimale, le negativ split est stupéfiant. Je me pose pas mal de questions sur les capacités de faire un negative split en partant sur de très bonnes bases et souvent en étant esseulé sur la dernière partie.

Tu évoques le dopage ? Un « second souffle » lié à la prise d’EPO ou autres substances interdites par exemple selon toi ?

Oui par exemple. Je sais qu’il est difficile d’envisager une performance sans passer sur une allure certaine au semi par exemple. Or le negative split comme « concept » banalise la première partie de course alors qu’il faut quand même s’engager pour passer sur des temps intermédiaires convenables !

De fait j’ai un peu de mal à concevoir des deuxièmes parties de course plus rapides dans ces conditions, exception faite de course tactique comme dans certains championnats où la première partie de course est là courue particulièrement plus lentement parfois.

Après pour être plus pragmatique et à mon niveau de coureur, je ne suis pas adepte non plus de cette approche, pour la bonne raison qu’il reste difficile dans les grands marathons de bénéficier de concurrence et lièvres adaptés et où l’approche est justement d’essayer d’abord de suivre cette aide objective à la performance plutôt que de décrocher dans l’hypothétique espoir de pouvoir accélérer sur la deuxième partie de course.


As tu suivi la tentative de course sous les moins de 2h d’Eliud Kipchoge ? Pour le coup, une course réglée au cordeau sur des recherche d’allure optimale du premier au dernier kilomètre.. Pour toi est ce encore de la course à pied ou davantage du buzz et de l’innovation technologique ? 

Ce jour là, j’étais au fond de mon lit…

Cela s’appelle du marketing. C’est aussi ce qui permet de mettre en avant notre sport et les coureurs aussi je ne vais pas tout critiquer mais pour cette tentative, courir sachant que le record ne sera pas homologué n’a pas de sens pour moi.

L’homme a besoin de barrières, de records, de spectacle. Notre société en est avide. Mais pour autant…

Et du tout récent et surprenant record d’Europe de Moen ? Un record controversé sur les réseaux sociaux en particulier..

Moen a couru pendant 5 ans 1h02 au semi, une régularité superbe. Il bat son record au marathon début 2017 en 2h10 ce qui en accord avec son semi.
6 mois plus tard, il réalise 59.45 et 2 semaines plus tard 2h05 et termine son 2
ème semi aussi vite que son ancien record sur semi…

J’aimerais bien avoir l’analyse off de beaucoup de coachs car pour moi ces progressions conséquentes sont aussi trop subites compte tenu de la stabilité des performances réalisées par cet athlète précédemment.


Pour revenir a ton actualité, quels sont tes objectifs pour 2018 ? France de cross ? Marathon hivernal à l’étranger ?  Préparation exclusive des Europe ?

2018 s’annonce comme une grosse année avec pour objectif principal les Championnats d’Europe en août sur le marathon.
Le début d’année doit me permettre de passer un cap sur les distances inférieures avec un semi, un 10km ou un 10 000m. Sans oublier les France de cross que j’attends avec grande impatience sur un véritable parcours de cross et surtout en Bretagne dans une ambiance formidable. Je pense que beaucoup de monde a coché ce rendez-vous !

Après, pour aller chercher un gros chrono sur marathon, il faudra attendre le printemps 2019 pour tenter la qualif pour Tokyo.

Merci, Benjamin, et toutes nos félicitations pour ta sélection annoncée ce mois de janvier pour les Europe de Berlin !