Bonjour Damien, comment vas tu ? Où te trouves tu actuellement ?
Bonjour Ivan, je suis en Chine à Jinan, dans l’est, pour la première compétition de la saison estivale. Comme tous les printemps je passe plusieurs mois en Chine pour la préparation des athletes et des moments entre entraîneurs. Je rentre a chaque fois en France pour les vacances de Pâques pour être avec ma femme Marie et les enfants.
Comment jongles tu entre tes athletes français et tes responsabilités chinoises ?
C’est très compliqué de gérer les français puisque je suis souvent en déplacement. Nous travaillons sur des vidéos et certains entraîneurs clermontois nous aident. J’ai de la chance parce que les athletes sont motivés et très autonomes. Mais il faudra peut être trouver d’autres solutions pour les saisons prochaines.
Les athletes progressent mais nous touchons les limites de ce système. La Chine comprend très bien que j’ai un engagement moral avec Thibault (BOISSEAU) et Louis( LECLERCQ) et ne nous pose en tout cas aucun problème.
L’equipe de Chine cet hiver
Comment se compose ton « staff » chinois ?
Mon staff en Chine est constitué de trois athlètes hommes et d’une fille. La fille ne fait pas partie de mon contrat avec la fédération (voir plus bas) mais elle apporte un équilibre dans le groupe de garçons et a un grand potentiel. J’ai ensuite une personne qui est chargée de manager les parties administratives et pratiques ainsi que les traductions si besoin. Et un kiné qui nous suit en cas de pépins.
Quel fonctionnement as tu avec les entraineurs chinois ? Ca se passe comme en France ?
En France il n’y a presque aucune collaboration organisée par la fédération. En gros depuis que Maurice Houvion s’est retiré il n’y a plus d’assises de la perche, ou de regroupements organisés.
Ici nous profitons des stages ou des compétitions pour regrouper tous les entraineurs autour d’un repas, ou de conférences autour de thèmes que j’ai choisis en fonction des problèmes que j’ai pu remarquer. Mon rôle n’est pas de former différemment mais plus de leur distiller une vision différente de leurs méthodes.
Et il y a beaucoup à dire ?
Je ne dois pas être le donneur de leçons mais je dois leur apporter une expertise différente. Je suis quelqu’un qui laisse faire les gens. Quand nous sommes en stage par exemple, quand un entraîneur vient avec ses athlètes je le laisse travailler et je lui donne des conseils, des avis quand je le sens ou quand il est demandeur. Le but n’est pas de changer leurs méthodes qui sont basées sur leur ressenti et sur leur culture. Le but est de les amener à s’ouvrir et penser.
En quelle langue t’exprimes tu avec les athletes chinois ?
Je m’exprime en anglais, les athlètes ont besoin de maîtriser la langue internationale pour entrer dans la famille de la perche, partager et s’intégrer au circuit. J’ai un traducteur qui m’aide mais j’essaie de l’utiliser le moins possible.
J’essaie aussi d’apprendre la langue, question de respect. Je travail cela avec des livres et avec les athletes qui viennent certains soir me donner des cours dans mon appartement.
T’es tu inspiré, as tu contacté d’autres français venus dispenser leur expertise sportive précédemment en Chine ?
Avant de venir la première fois en Chine j’avais discuté avec Olivier Vallaeys en qui j’ai une grande confiance. Il avait fait une mission en Chine il y a quelques années et m’avait briefé sur les coutumes. Je connais aussi les chinois depuis 2011 et autre chose je cohabite avec Randy Huntington (ancien coach de Mike Powel) et nous partageons beaucoup nos expériences quotidiennes et les problèmes que nous rencontrons.
Tes grands objectifs: Pekin 2015, Rio 2016 et Londres 2017 ? Une médaille sur l’un de ces trois événements ?
Oui le but est de faire des médailles, mais le chemin est long avec un calendrier court. Je dois trouver des raccourcis sur les temps d’apprentissage .
As tu par ailleurs vocation à dynamiser davantage la perche chinoise hors haut niveau dans tes missions jusqu’en 2017?
Je n’ai pas cette mission. Mais je crois au fait que l’on est rien si l’on ne transmet rien.
Donc j’essaie de faire en sorte de leur apporter des choses à long terme. Mon travail est avant tout sur l’élite mais je voudrais mettre en place des regroupements sur les jeunes et développer la perche pour les très jeunes.
Cette perche chinoise, comment est elle structurée actuellement ? rassemblement par pole, pole nationaux, poles de provinces ?
Actuellement les provinces travaillent de leur côté. Elles sont très puissantes et ont une grande autonomie. Le seul pole qui existe pour la perche est a Pékin là où je suis et où nous regroupons une élite de 3 garçons.
Et quelles sont en quelques mots les caractéristiques des perchistes chinois que tu as à haut niveau actuellement ?
Les athlètes viennent d’autre sport ou disciplines étant jeunes. Yang SHENG des haies hautes, Changrui XUE de la longueur et Bokai HUANG du basket. Ensuite ils ont été détectés par des entraineurs de province pour faire de la perche et integrer les filières d’entraînement au niveau des provinces.
Yang et Changrui ont ainsi pu venir quelques fois en France et tout naturellement ils ont intégré mon groupe.
Bokai lui fait parti de meilleurs mondiaux chez les jeunes depuis quelques saisons et suite à sa 5 eme place aux monde junior avec 5m45 (et seulement en junior 1 l’année dernière). Il est venu en stage avec le groupe en novembre et a définitivement intégré le groupe a la sortie de ce stage.
Et côté fille, pas de perchistes émergeantes encore ?
Il y a Li LING qui à sauté 4m65 il y a deux ans. C’est un gabarit hors norme d’1m83 pour 62 kg. Mais elle est plutôt en fin de carrière, elle arrêtera probablement après Rio.
En revanche depuis cet hiver j’ai demandé que Huiqin XU une jeune espoir qui avait franchit 4m40 à 17 ans et qui stagne depuis, puisse rentrer dans le groupe. Vu qu’elle n’arrivait pas à passer le cap supérieur, elle ne faisait plus partie des plans de la fédération.
C’est assez restrictif alors l’accès à ce groupe ?
Oui et de mon côté même si dans mon contrat je n’ai pas à entraîner les filles, j’ai fait la demande pour qu’elle s’entraine avec le groupe. Ainsi elle a une chance pour se relancer et de mon côté j’ai besoin d’une présence féminine pour équilibrer le groupe. De plus comme humainement c’est une personne très bien, autant lui donner sa chance.
Ton regard désormais sur la perche Française ? Renaud roi du monde mais n’est il pas l’arbre qui cacherait une foret un peu moins dense ?
La perche française se porte bien, je m’interroge plus sur son avenir à long terme du fait du vieillissement et de la baisse du nombre d’entraîneurs.
J’ai l’impression que la France vit sur ses acquis. Quand je vois les fonctionnements dans les autres pays et l’apport de la technologie dans les entraînements, j’ai peur que la France prenne du retard. L’entraînement doit être plus scientifique.
Après au niveau mondial il y a plusieurs jeunes français qui montent et c’est une bonne chose. Dans les années 90 le niveau était bien plus dense, mais depuis quelques saisons à part Renaud qui s’inscrit dans la durée, nous n’avons plus de densité a plus de 5m80.
Maintenant il suffit de faire 5m50 aux mondiaux à Moscou en qualif pour entrer en finale. C’est triste. Mais il ne faut pas oublier que seulement 4 ou 5 nations dans le monde ont une culture perche et y portent de l’intérêt.
Et où en est Angelica Bengtson que tu coachais jusqu’ici ?
Angelica est partie de mon groupe l’hiver dernier. Elle a eu plusieurs pépins physiques mais progresse quand même et a réalisé un très bon hiver 2015 avec son premier podium chez les seniors.
Elle traine toujours des problèmes physique mais a l’air d’avoir trouver un mode de fonctionnement qui lui convient.
C’est une bonne chose car elle a énormément de talent et j’espère qu’elle va réussir à l’exprimer au niveau mondial.
En plus une belle nouvelle génération de perchistes filles pointe son nez et peut relancer cette discipline.