Benjamin Malaty, Yohan Durand : une même passion du marathon

Bonjour Benjamin et Yohan,

Vous avez tous deux débuté sur marathon dans des conditions et avec un résultat probant analogues, merci de vous prêter à cette itw croisée sur cette « première fois », il y a quinze jours pour Yohan et en 2012 pour Benjamin.

Tout d’abord, quelle image gardez vous de ce premier marathon ?

YD : Pour ma part l’image que je garde de mon marathon c’est le sentiment du devoir accompli une fois la ligne franchie. Le moment où tu sais que tu es « marathonien ». Cette sensation de lâcher prise une fois la ligne d’arrivée derrière. Ensuite si je vais chercher un autre souvenir, c’est celui du départ, les Champs Elysées complètement vide, uniquement pour nous, où l’on se dit que « la victoire » est au bout!

BM : C’était un moment fantastique. Je venais d’être champion de France de cross et j’avais préparé ce marathon de la meilleure des manières.

Je partais pour faire 2h13″40 (soit 3’10/km) et au final je réalise 2h13″15. Je me sentais à la fois spectateur et acteur de l’événement. Le départ est incroyable avec la descente des Champs, mon lièvre m’a un peu emballé en passant en 15’15 au 5km. La dernière ligne droite restera un énorme souvenir et la délivrance d’arriver au bout en réalisant une course aboutie. Je me suis dit, « tu es un marathonien ».

Quel a été pour vous le km le plus agréable sur le plan des sensations ?

BM : J’ai eu des sensations incroyables pendant les premiers kilomètres. Je me souviens également d’un passage au 30ème avec la foule qui m’encourageait. Je me sentais bien, mais le plus dur commençait aussi …

YD : Pour moi les 30 premiers kilomètres se sont très bien passés. J’avais ce sentiment de facilité et de relâchement. Ce sentiment est indispensable pour réaliser une performance sur marathon. Être en « dedans » toute la première partie. Le dernier kilomètre est peut être le plus jouissif.

Et le moins facile ?

YD : Le 36eme avec un passage sur les pavés dans le bois de Boulogne. J’ai commencé à « piocher » au alentour du 34-35eme. Il est difficile de pouvoir relancer à cet endroit. Le public est moins nombreux, les jambes sont lourdes.. Et pourtant il ne reste que 6 kilomètres !

BM : De mon côté tout allait bien jusqu’au 32ème, j’étais encore en 3’05-06 et tout d’un coup 3’10 puis 3’15 et là tu comprends que le marathon commence ici.

Après la cote au 35ème, j’ai senti que ça tirait terrible, les derniers kilomètres étaient un vrai combat. Cependant, je remontais les coureurs un à un et ça me motivait. Vers le 37ème, il y avait un fort vent et là ce fut vraiment dur, tout comme à 2km de l’arrivée, vous n’attendez que la dernière ligne droite.

En terme de préparation, estimez vous avoir chacun préparer un marathon parmi d’autres ou plus précisément était-ce plutôt pour vous la prépa d’un premier marathon ?

YD : Je pense que c’était plus la préparation d’un premier marathon.

Avec cette inconnue qu’il y a au bout. Même si l’articulation d’une préparation se ressemble, elle varie quand même en fonction de la saison à laquelle on prépare son marathon, du parcours aussi, de ses blessures, ou du nombre de marathons déjà courus. Je pense que ma préparation ne sera pas la même quand j’aurais déjà une dizaine de marathons à mon actif.

BM : J’ai préparé UN marathon avant tout … J’avais peu d’expérience sur la route et je voulais optimiser mon résultat. J’ai pris des risques et ça a payé. J’avais bien préparé ce rendez-vous et je voulais devenir un marathonien.

Le fait que ce soit Paris a t’il influencé aussi cette préparation dans votre tête ? Avec son exposition médiatique notamment…

BM : Nous venons de la piste et du cross où il n’y a pas le même engouement. Alors je me foutais royalement de l’exposition médiatique sur le moment. Je me préparais pour une nouvelle expérience sans connaître l’impact et la médiatisation d’un tel événement.

Je sais depuis que ma performance m’a permis une exposition et de nouveaux partenaires (ce qui m’a permis de continuer ma passion), mais surtout des nouveaux challenges que je voulais réaliser (Championnats du Monde et Championnat d’Europe) et une perspective pour les JO.

Après j’ai voulu faire Paris, car c’était un grand marathon et dans une ville magnifique. Et pour un 1er marathon, globalement je pense que c’est l’idéal.

YD : Moi j’ai choisi Paris car c’était le plus simple au niveau de la logistique et de l’environnement. Après le parcours n’est pas réputé idéal, mais pour un premier je ne visais pas forcément un chrono stratosphérique. De plus nous étions une dizaine de Français de niveau quasiment similaire, ça aide. Avec un lièvre mis en place par la fédération. Mais c’est vrai que celà permet aussi d’avoir une visibilité médiatique non négligeable.

En ayant assisté au résultat de chacun, que vous êtes vous dit alors ?

BM : J’étais très content pour Yohan. Nous sommes potes depuis cadet-junior et je sais à quel point il a galéré depuis 2 ans avec les blessures.

C’est un athlète doué. Je le pensais capable de faire 2h12 dès son premier. Il a couru seul le 2ème semi et a géré le 1er. Il a une belle marge de progression.

YD : Benjamin m’avait impressionné sur son premier marathon car les conditions étaient difficiles. Il a ensuite prouvé avec son chrono de 2h12 que ce n’était pas le fruit du hasard mais d’une préparation très bien menée. Il a un peu brisé une barrière psychologique car beaucoup de Français s’étaient cassé les dents sur Marathon. Sa performance m’a aidé en tout cas à sauter le pas et à monter sur la distance.

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Benjamin et Yohan cet hiver pour un footing commun à Bordeaux (source facebook) 

L’un et l’autre avez les même entraineurs depuis des années. Quelle a été leur part d’influence dans cette aventure du marathon ?

YD : Pour ma part c’est une décision que nous avons prise en commun avec mon coach (Pierre Messaoud). Sur un plan personnel, j’étais déçu de la piste. Et je voulais me lancer un nouveau défi. J’avais besoin de ça pour relancer ma carrière. Amener mon corps sur des zones de travail inconnues, repousser les limites physiologiques.. Mon entraîneur était d’accord avec moi, et il était aussi excité par ce nouveau challenge.

BM : Forcément, le coach (Messaoud Settati) est un grand artisan de cette réussite. Pour moi il a su parfaitement gérer ma transition sur le marathon avec un plan cohérent. C’est un entraîneur qui sent les choses.

Après un été 2011 très décevant, j’évoquais la possibilité d’arrêter de courir. On a pensé à la même idée au même moment pour se relancer sur une nouvelle expérience, celle où j’exploiterais le plus mes qualités de fondeur avec ma foulée économique. Le marathon s’est présenté naturellement. On se comprend sans se parler et on a une relation fusionnelle même si on est à distance. Il me connaît depuis 20 années.

Pour un résultat semblable sur un premier marathon, lequel de vous deux aurait la plus grande marge de progression ?

YD : En réalisant 2h12 à Paris, Benjamin à montré qu’il pouvait courir en 2h10 sur un marathon plus rapide. Moi je n’en suis qu’à mon premier. C’est simplement très encourageant pour la suite.

BM : Sans hésiter, Yohan. Il a de meilleures références sur la piste et possède un gros foncier. Ne pas oublier qu’il a fait aussi 3’36 au 1500 et 13’17 sur 5000m.

Votre regard sur les coureurs de tête, quasiment tous éthiopiens ou kenyans désormais ? Un léger complexe à vous envisager un peu en retrait de ces coureurs ou bien envie de les accrocher un jour?

BM : Cela ne change pas depuis des années donc on s’y habitue. On est fataliste en quelque sorte. Pour ma part, je cours avant tout pour moi et dépasser mes limites que je connais. Je suis un passionné de course à pied et j’adore me préparer pour atteindre mes objectifs.

YD : Pour ma part je ne regarde que très peu les performances des étrangers. Elles sont d’un autre monde et elles ne m’intéressent pas forcément. Il y a tellement de coureurs capable de courir en moins de 2h08 qu’il est devenu difficile de s’identifier à quelqu’un (comme avec Haile ou Tergat dans le passé). J’essaye davantage de me concentrer sur moi-même, de voir comment je peux m’améliorer, qu’est ce que je peux faire de plus pour abaisser mon chrono.

Et à quand un marathon ensemble au départ alors ?

YD : A Rio en 2016 ça serait magique ! Mais pour cela il faut encore travailler et progresser.

BM : Le plus tôt possible j’espère. Et oui pourquoi pas à Rio !!