Fungana, l’athlétisme engagé

Rencontre avec Nathalie Favreau présidente de l’association FUNGANA , qui nous présente son association , ses projets et actions en faveur de l’enfance et l’éducation au Kenya

Bonjour Nathalie, ton association existe donc depuis plus de dix ans maintenant . Quels en sont l’origine et ses objectifs ?

L’association a été créée en novembre 2007 dans le cadre de mes études universitaires, un Master en Marketing Opérationnel International. Nous étions alors une équipe de 6 étudiants à devoir nous regrouper pour créer un projet sur l’année . J’ai alors proposé ce projet qui me tenait à coeur, regroupant ma passion pour l’athlétisme, celle pour le Kenya et ma volonté de m’investir dans l’humanitaire avec la création d’une association humanitaire alliant donc sport/Afrique/solidarité. Ils ont tous adhéré à cette idée et j’ai ainsi été désignée chef de projet .

Les premières actions pour récolter des fonds furent de la vente de bracelets aux couleurs du Kenya financés alors par Bob TAHRI, 1er parrain de l’association, et l’ organisation du meeting FUNGANA à St Maur en Juin 2008.

Puis en créant l’association FUNGANA nous nous sommes engagés à offrir à ces enfants les ressources et les capacités nécessaires pour pouvoir progresser et améliorer leurs conditions de vie et de scolarisation ainsi que leur chance de pouvoir aller jusqu’aux études secondaires.
En d’autres termes, faire de l’éducation une règle et non une exception.

A travers ces objectifs quelles ont été vos réalisations concrètes au Kenya depuis le début de l’association ? Tu peux nous en décrire l’essentiel ?

Depuis la création de l’association nous avons concrétisé de nombreuses actions au Kenya jusqu’à nous orienter plus précisément sur une école en particulier, l’lten Primary School, à partir de 2014.Parmi ces actions nous sommes allés en 2011 pour la première fois au Kenya, en mission humanitaire à Nyuahururu, Kitui et Kikuyu: achat de ciment, dons d’ordinateurs et fournitures scolaires furent nos premières actions avec les fonds levés par l’association depuis 2008. Puis à la suite de notre rapprochement avec l’école d’Iten, nous avons pu réaliser à l’été 2014 la rénovation des 20 classes (étanchéité des murs et des sols, peinture…) et également la mise en place de 2 réservoirs d’eau et de gouttières sur les toits pour récupérer l’eau de pluie.

Une première base fort appréciable pour cette école on imagine ?

Oui tout a fait. Et que nous avons pu faire suivre en 2015 de la construction de la cuisine scolaire de l’école ainsi que de la fourniture de fours pour assurer les repas quotidiens des 800 élèves.

800 élèves, c’est important comme structure. L’école en tant que structure d’accueil était du coup terminée après cette opération ?

La structure existait déjà mais on va dire que 90% des murs étaient à rénover…. Puis les conditions pour apprendre pour ces élèves , n’étaient vraiment pas optimales : classes délabrées, pas d’électricité,  3 élèves par table, des élèves qui prennent leur déjeuner par terre, pas d’eau sur le site… Il y a donc eu une suite et ainsi en aout-septembre 2017, nous sommes revenus à l’école pour la réalisation des nouveaux travaux de la cantine scolaire (destruction et reconstruction d’un bâtiment) ainsi que la fourniture de tables et chaises dans les classes.

En mars 2018 , c’est à la construction d’un puits pour accéder à l’eau potable que nous nous sommes attachés, un projet financé par Stéphane DIAGANA.
Puis en juillet/août 2018 nous avons pu installer l’électricité dans toute l’école et procéder à la rénovation de 3 classes dont une permettant des cours d’informatique aux élèves, mission confiée aux étudiants de Polytech à Nantes dans le cadre de leur cursus scolaire.

Enfin en novembre 2018, un membre de l’association a fait don de 3 ordinateurs à l’école.

Un processus sur la durée en quelque sorte ?

Oui , et c’est un processus qui peut paraître peut être long vu de France mais il nous reste encore à permettre l’ installation d’internet dans l’école, ainsi que la fourniture de 6 ordinateurs début 2019 et la mise en place d’une mission pédagogique visant à favoriser l’apprentissage du Français et du traitement de texte aux élèves de cette école !
En installant l’électricité dans l’école, nous avions en tête de mettre en place un projet purement pédagogique en 2019 : des échanges culturels entre l’école Iten Primary School et une école Française.

Et ce projet en est où à ce jour ?

Et bien en janvier dernier nous avons pu monter une collaboration avec le collège Edouard Vaillant de Gennevilliers et 45 élèves de 5ème pour concrétiser ce beau projet. L’association a financé l’abonnement à Internet sur l’école Iten Primary School pour permettre de commencer rapidement ces échanges culturels avec pour principaux objectifs :

– le développement des valeurs humaines telles que la solidarité, la générosité et le partage

– L’apprentissage des langues respectives anglais/ français et l’enrichissement réciproques aux deux cultures

– enfin la création d’une vraie cohésion entre les élèves autour d’un projet scolaire commun

On comprend que cela ne se fait pas sans fonds ni énergie . Par quels moyens l’association arrive-t’elle à ces résultats ?

Comme vous le savez , nous organisons tous les ans, depuis 2009, le meeting d’athlétisme FUNGANA qui réunit chaque année près de 300 athlètes. Tous les fonds d’inscriptions sont par exemple ainsi reversés à l’association. D’ailleurs cette année il aura lieu le 30/05/2019 au Stade des Maradas à Pontoise.

Nous avons aussi organisé par le passé le cross FUNGANA mais qui n’a pas eu le même impact que le meeting .

Sinon, nous vendons aussi des bracelets en perle fabriqués à Iten (pour 5€), aux couleurs du Kenya et portant le nom de l’association.

Nous comptons aussi beaucoup sur les dons de particuliers et entreprises, le crowfunding, les appels à projets ainsi que les partenariats avec les organisateurs de courses. C’est essentiellement grâce à cet élan de générosité nous avons pu réaliser l’ensemble des actions que je vous ai décrites. Nous présentons ce projet pédagogique à la fondation de la RATP semaine prochaine et nous espérons que le jury sera convaincu de la crédibilité et de l’intérêt de nous soutenir. Le budget du projet est de 12 500€ (achats de 30 ordinateurs+pack Microsoft, 2 imprimantes, fournitures scolaires…)

On suppose aussi des moyens humains importants. Ca se passe comment pour une association comme FUNGANA ? As tu des relais sur le terrain au Kenya par exemple ? Le fonctionnement de l’association est il pérenne à ce jour ?

Oui j’ai un référent local au Kenya, Ronald KIPROTICH, qui a réalisé tous les travaux depuis 2014. Je lui fais entièrement confiance, c’est devenu un véritable ami et il se rend régulièrement à l’école pour surveiller si les installations mises en place sont bien entretenues et si tout est bien encore en place.
Après l’association est avant tout bénévole et repose sur l’investissement personnel de tout un ensemble de personnes qui permettent la réussite de ces actions. C’est le cas des bénévoles du meeting Fungana par exemple.

De même il ne faut pas se voiler la face, la pierre angulaire de la concrétisation d’ une action humanitaire c’ est pour beaucoup le financement. Une fois que tu as l’argent, il n’est pas difficile de trouver les moyens humains et matériels, et je remercie vraiment toutes les personnes qui nous apportent leur soutien. C’est touchant de voir le nombre de personnes qui me contactent pour me demander s’ils peuvent faire quelque chose pour l’association.

En tant que présidente de l’association, que te manque-t’il le plus aujourd’hui du coup ? De l’argent, des moyens humains, du temps personnel ? Une meilleure visibilité de l’association peut être aussi ?

En terme de visibilité, je pense qu’aujourd’hui FUNGANA est assez bien connue dans le monde de la course à pied et c’est une vraie satisfaction en sachant qu’en 2007 on était parti de zéro.
Après entre mon boulot (responsable de développement dans les services énergétiques chez DALKIA), mes entraînements quotidiens, ma mission de secrétaire pour une association sportive (Team Caps Academy), et ma vie personnelle un peu aussi …oui du temps, c’est ce qu’il me manque le plus pour pouvoir m’investir comme je le voudrais.

Ce temps je le passerais notamment à la recherche de fonds, partenaires, réponses aux appels à projets, etc , tout ce qui permet le développement et la réalisation d’actions au final…

Et après ces onze années où tout s’est construit ainsi quels sont tes objectifs et projets à moyens et longs termes pour l’association aujourd’hui ? Un rêve en particulier avec davantage de moyens et de temps ?

C’est difficile de se projeter à long terme car d’années en années nous n’avons pas toujours les mêmes moyens financiers… L’objectif à court terme, est de faire venir les élèves de 5ème du Collège Edouard Vaillant à Iten afin de leur faire partager pendant une semaine la culture kenyane, leur faire découvrir le système d’enseignement et la vie dans ce pays.

Je souhaiterais aussi faire venir des médecins, des ophtalmos…pour faire un bilan de santé des élèves de l’école Iten Primary School, et via un partenariat avec un établissement de santé, mettre a disposition aussi des « packs sanitaires » aux enfants de l’école (avec savon, brosse à dent etc). 

A long terme, j’aimerais aussi pouvoir créer un internat dans cette école mais aussi avoir les ressources pour financer la formation et l’accompagnement scolaire des élèves arrivant à la fin de leur cursus primaire, pour leur permettre ainsi de poursuivre leurs études dans l’enseignement secondaire.

Et quelle est ta vision de l’enfance au Kenya ? Sur ces questions scolaires ? Tant en ville qu’en milieu rural ? Y a-t-il une grande disparité sur ce point ? Qu’en est il de la scolarité des filles également ? De ce que tu as pu constater …

Au Kenya, en campagne vous avez une multitude d’écoles primaires, souvent en très mauvais état. Les classes sont très souvent surpeuplées (3 élèves par table), l’éducation est très stricte ..j’ai pu voir des élèves se prendre des coups de bâton par exemple… Les élèves travaillent le matin, et l’après-midi est dédiée aux activités. Les élèves doivent obligatoirement porter l’uniforme aussi .
Il y a aussi une vraie disparité entre la ville et la campagne, et je dis ça par rapport à ce que j’ai pu voir lors de mon voyage de 15 jours à Nairobi et mes différents voyages à Iten. La plupart des familles en campagne est pauvre, ce sont des paysans vivant de leur terre. Mais au Kenya, l’école primaire est gratuite, ce qui permet aux enfants de familles défavorisées de suivre un système éducatif de 6 à 14 ans. En revanche à la fin du cursus scolaire primaire, de nombreux élèves se retrouvent à la rue car l’école secondaire est payante. Ainsi seuls les très bons élèves qui auront eu des excellents résultats, et donc des aides, pourront rejoindre la capitale pour suivre un enseignement secondaire.
Pour la disparité filles/garçons, je n’ai rien constaté de particulier entre filles et garçons. A l’Iten Primary School les classes sont mixtes par exemple.

 

Et quelle est ta vision de l’enfance au Kenya par rapport à la course a pied ? Y a t’il des structures ou scolarité et course cohabitent voire collaborent pour favoriser l’éclosion de champions ? Comme on l’entend aussi souvent dans divers reportages sportifs, les enfants font-ils pour beaucoup le rêve de s’en sortir par la course a pied ? L’as tu vu , entendu ou pas du tout ?

Alors pour répondre à ces questions , il est clair que déjà au Kenya , pour te déplacer, enfant, tu cours ! Dès leur plus jeune âge les enfants se rendent à l’école en courant .. et rebelote le soir en rentrant… Ils peuvent ainsi faire des dizaines de kilomètres chaque jour. A cela s’ajoute les 2400m d’altitude qu’on retrouve à Iten donc naturellement les Kenyans ont bien des prédispositions à la course sans que l’école ne s’en occupe plus que ça.

Il y a en revanche une école qui forme des champions à Iten, la Saint Patrick’s High School, elle a été créée par  Brother Colm O’Connell , connu comme étant également le coach de David Rudisha. Là bas tout est mis en place pour former les pépites de l’athlétisme kenyan (infrastructures, enseignement de qualité, nutrition….).
Après on trouve aussi pas mal de managers étrangers qui gravitent autour des jeunes athlètes ..c’est parfois un peu choquant comme je l’avais constaté dans le centre dans lequel j’étais hébergée lors d’un de mes séjours là-bas en 2015

L’envers du décor en quelque sorte ?

Oui et Le Kenya est un fleuron en matière d’athlétisme et de course à pied en particuliers, mais il fait maintenant face à un grave problème de dopage également… Mais quand je suis là bas je ne m’en préoccupe pas. C’est toujours très impressionnant de se rendre tôt le matin et voir une centaine d’athlètes au départ d’un fartlek…Une expérience à vivre !


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